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En librairie le 13 Septembre 2012
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ISBN:
2-36371-039-0
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Format:
125 x 195
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Page:
185p.
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Prix:
19 €
Une âme damnée - Paul Gégauff
Arnaud Le Guern
Une partie de plaisir, voilà ce qu’aura été la vie de Paul Gégauff (1922-1983), le dandy surdoué du cinéma français des années 60-70. Ses amis s’appellent Maurice Ronet, Roger Vadim et Françoise Sagan. Ses romans, il les publie, à la hussarde, aux éditions de Minuit. S’il se moque de la « Nouvelle vague », il écrit des films-cultes pour Clément, Chabrol et Rohmer, entre autres : Plein Soleil, Que la bête meure ou Docteur Popaul. De Saint-Tropez aux nuits de Chez Castel, en passant par les îles de la fin de la terre, Paul Gégauff se fait surtout une certaine idée de la dolce vita. Il aime les jupes des filles et les terrasses ombrées, les ivresses en bord de mer et les bars d'hôtel. Il mourra, en feu follet, une nuit de Noël, poignardée par sa jeune épouse.
Toute la flamboyance de Paul Gégauff et le parfum d’une époque légendaire, à revisiter au gré d’une flânerie signée Arnaud Le Guern.
Diffusion : CDE/SODIS.
Huffington Post
Lectures cinéphiles : de Maurice Ronet à Paul Gégauff
Paris Match
Diable d'homme !
Le Mouv'
Paul Gégauff sur le Mouv'
Figaro Magazine
Le hussard de Minuit
Libération
Paul Gégauff en plein soleil
Le Courrier picard
Le dandy surdoué du cinéma
Blog de Bernard Morlino
Un héros de Nimier à l'air libre
Sud-Ouest
Le dernier des Hussards
Blog de Jean-Luc Bitton
Ce qu'en pense Jean-Luc Bitton
Paris Première
On en parle
De nécessité vertu
Le Paul Gégauff d'Arnaud Le Guern
L'Opinion indépendante
Stèle pour Paul Gégauff
Causeur
Gégauff l'écrivain masqué
Apollo
Splendides faux fuyants
Causeur
Le prix qu'attribuerait Roland Jaccard
L'Express
Gégauff le dandy excessif
Philosophe sans qualités
A la recherche du cinéma d'avant
France Culture
Paul Gégauff Tout feu tout flamme
Figaro littéraire
Gégauff le désinvolte
Pau
Une âme damnée et beaucoup de coeur
France Musique
Coup de coeur sur France Musique
Lectures cinéphiles : de Maurice Ronet à Paul Gégauff
Les amoureux du cinéma français des années 60 et 70 (ou de Claude Chabrol) connaissent probablement Maurice Ronet et Paul Gégauff. Deux livres à la frontière de la biographie, édités par Pierre-Guillaume de Roux, leurs sont justement consacrés... et sont à lire de toute urgence!
Maurice Ronet est probablement le plus connu des deux. Inoubliable dans Le Feu Follet et Ascenseur pour l'échafaud (tous deux signés Louis Malle) ou Plein soleil (René Clément), il a également promené son regard séducteur et angoissé ou son sourire insolent chez Claude Chabrol (La femme infidèle). Durant sa carrière, il a alterné le meilleur (nous pourrions ajouter à la liste Rendez-vous de juillet, Raphaël ou le débauché et quelques autres) avec le pire ( que nous préférons taire... même s'il y a l'embarras du choix!), le tout avec un certain goût du risque comme en témoigne sa courte carrière de metteur en scène (de l'inadaptable Bartelby, d'après Herman Melville à ses documentaires sur les dragons de Komodo ou sur la guerre de décolonisation tardive au Mozambique).
De son côté, Paul Gégauff, peut-être moins connu du grand public, est probablement associé par tous les cinéphiles à Claude Chabrol, pour qui il a écrit quelques scénarios exemplaires (Les cousins, Le scandale, Les biches, Que la bête meure... pour ne citer qu'eux). Cette association ne doit cependant pas faire oublier qu'il a collaboré avec d'autres cinéastes majeurs (Rohmer, Duvivier, Schroeder, mais également Vadim ou Godard, chez qui il a fait des apparitions!) et qu'il fut également l'auteur de quatre romans publiés aux éditions de Minuit.
Les deux hommes se connaissaient, s'appréciaient, sont morts la même année... et font maintenant l'objet de deux biographies qui n'en sont pas vraiment.
Le premier livre, le plus proche de la biographie traditionnelle, est consacré à l'acteur (Maurice Ronet. Les vies du feu follet, par Jean-Pierre Montal, disponible au Québec début octobre 2013).
L'auteur nous y propose une sorte de portrait-enquête en s'appuyant sur ses entretiens avec ceux qui ont côtoyé Ronet (Anouk Aimée, Jean-Charles Tacchella, Alexandre Astruc, Rémo Forlani, parmi tant d'autres), complété par un "panthéon subjectif" qui confirme le caractère non objectif de l'ouvrage. Sur les 96 films interprétés par Maurice Ronet, Jean-Pierre Montal en a retenu dix-sept qu'il commente brièvement de manière aussi personnelle que pertinente. Le résultat, grâce à une écriture rigoureuse et à une admiration assumée pour Maurice Ronet, prend moins des allures de biographie classique que de vrai hommage à la mémoire de l'acteur... mais il s'acquitte parfaitement de cette tâche!
Le second, encore plus inclassable (à la fois fausse biographie, journal intime d'un auteur fasciné par son sujet et bel exercice littéraire) est consacré au scénariste (Une âme damnée. Paul Gégauff, par Arnaud Le Guern, déjà disponible). La personnalité de Gégauff, son mode de vie (amateur de vie nocturne et de parties fines) et sa fin tragique (tué d'un coup de couteau par sa jeune épouse un soir de Noël) auraient pu permettre à Arnaud Le Guern de remplir son ouvrage d'anecdotes croustillantes. Ce n'est fort heureusement pas le cas et l'auteur a préféré inclure dans son livre des passages plus intimes pour le transformer en voyage mental et personnel en Gégauffie. Le résultat, d'une qualité exemplaire, se laisse dévorer avec un plaisir constant jusqu'à ces derniers mots: "Dolce vita, définitivement, pas morte."
Les deux livres nous sont proposés par le même éditeur, Pierre-Guillaume de Roux. Leurs qualités respectives nous donnent envie d'espérer qu'il aura la bonne idée de continuer de nous proposer ce genre de biographies... qui n'en sont pas vraiment, mais qui sont grandement appréciables!
JEAN-MARIE LANLO
Une âme damnée - Paul Gégauff, d'Arnaud Le Guern (Pierre-Guillaume de Roux, 2012)
Diable d'homme !
Dans « Une âme damnée», Arnaud Le Guern ressuscite le scénariste et dialoguiste Paul Gégauff. Un héros flamboyant.
Scénariste pour René Clément (« Plein soleil ») ou Claude Chabrol (« Que la bête meure »), modèle du tueur en cavale interprété par Belmondo dans « A bout de souffle », auteur d'une poignée de romans salués par Nimier poète à découvrir, dandy milieu de siècle anar de droite et cle gauche intime de Maurice Ronet et copain de Johnny (qui a dit de lui «Cest l'homme qui rn'a fait le plus rire et le plus pleurer de ma vie ») il se nommait Paul Gégauff. Sa trajectoire de feu follet s'interrompit quelque part en Norvège, durant la nuit de Noël 1983 lorsqu'il fut poignardé par sa compagne et quitta la rubrique cinéma pour celle des hommages posthumes. « C'est ainsi que je le vois, mi-poète, mi-fou, égoïste et vulnérable à la façon des enfants, avide d'aventures et de plaisirs, curieux atteint de tous les dons maîs finalement, d'une grande rigueur intellectuelle dans les désordres de la vie » Oraison signée Roger Vadim dans les pages de Paris Match. Cerner pareil personnage, qualifié de « Brian Jones de la profession » par Bernadette Lafont et de « libertin du XVIIe siècle » par Jérôme Lmdon, relevait en soi de I'exploit littéraire. Avec « Une âme damnée », Arnaud Le Guern décidément inspiré par les irréguliers (on lui doit des textes sur Jean-Edern Hallier et Richard Virenque), fait mieux encore. A I'évocation d'une carrière où la désinvolture le disputait à I'efficacité - plus d'une quarantaine de films au compteur en qualité de dialoguiste, scénariste adaptateur, interprète ou réalisateur, au portrait d un homme tissé de contradictions assumées libre en un mot. à la résurrection d'une époque dont la nostalgie touche même, et peut-être surtout ceux qui ne l'ont pas connue l'auteur mêle le récit de ses propres amours, une célébration du cour-cheverny de chez Villemade et des nuits passées à guetter l'aurore sur un tabouret de bar. Bref notre biographe (lequel réfute ce mot) se laisse envahir mais jamais submerger, par son sujet: « J'écris sur Gégauff comme il écrivait ses scénarios, ses dialogues. Je commence par ne rien faire, pendant longtemps [ ] Je déstructure les journées, matinées légères et non grasses, heures suspendues. D'un baiser je sors de la nuit, je goûte l'aube sur les lèvres de miss K Je la regarde choisir des étoffes que j'aime, tracer dans la ville endormie Je sniffe I'air encore froid par la fenêtre » Une fois la dernière page tournée, le critique se prend à hésiter. Aller dénicher sur les quais un exemplaire des « Mauvais plaisants » paru aux Editions de Minuit en 19517 Se procurer la filmographie intégrale de notre homme, chefsd'oeuvre et nanars confondus. Plutôt relire « Une âme damnée », I'affaire d'une heure ou deux, le temps d'une parenthèse enchantée où « la vie, finalement, ressemble à un film de Rohmer dialogué par Gégauff» •
ERIC NAULLEAU
Une âme damnée - Paul Gégauff , dArnaud Le Guern (Pierre-Guillaume de Roux, 2012) 192 pages, 19,50 euros
Paul Gégauff sur le Mouv'
Ecoutez Lisa Vignoli évoquer Une âme damnée - Paul Gégauff d'Arnaud Le Guern (Pierre-Guillaume de Roux, 2012) sur le Mouv'.
Le hussard de Minuit
Amaud Le Guern s'est pris de passion pour Paul Gégauff, après Jean-Edern Hallier (.Stèle pour Edem, 2001). Il l'admire pour de mauvaises raisons, mais lit-on pour de bonnes ? Une génération perdue succède à l'autre... et la nouvelle se cherche des modèles parmi les morts qui la précèdent. Paul Gégauff (1922-1983) : scénariste inégal, romancier méconnu, fêtard extravagant et séducteur assassine. Sa vie semble fasciner Le Guem davantage que son œuvre. Cet esprit impertinent fut tué par sa petite amie de trois coups de couteau, en Norvège, le soir de Noël 1983. Il faut dire qu'il l'avait bien cherché : « Tue-moi si tu veux, disait-il, mais arrête de rn 'emmerder. » Certaines phrases ne se prononcent pas à la légère.
Arnaud Le Guern a retrouvé la meurtrière, aujourd'hui quinquagénaire et nostalgique... C'est un des moments les plus émouvants de son portrait. Burroughs et Althusser ont tué leur femme, mais je ne connais pas d'autres écrivains assassinés par leur épouse (à part Pasolini) (non je déconne). Gégauff savait qu'il finirait mal. Il se déguisait en nazi dans les surprise-parties bien avant Sid Vicious et le prince Harry d'Angleterre. Il était un Pascal Jardin en plus alcoolique, drogué et misogyne. Son caractère flamboyant et excentrique manque à notre époque. Il publia quatre romans saganiens aux Editions de Minuit dans les années SO, rata son unique long-métrage (Le Reflux),mais donna des dialogues géniaux à seize films de Claude Chabrol, deux d'Eric Rohmer et à Plein soleil de René Clément. Ses facéties, sa liberté de ton, sa folie inspirèrent le Michel Poiccard d'A bout de souffle de Godard (interprété par son ami Belmondo). Il joua des petits rôles chez Vadim, quand Vadim était au sommet de sa gloire. Il fut un feu follet, comme son ami Maurice Ronet. Ill troussait des phrases cyniques de libertin désespéré à la Vailland : « Toutes les femmes sont laides dès qu'on n'en a plus envie, et le monde est rempti de jolies filles devenues laides pour un homme qui a cessé de les aimer. »
Arnaud Le Guern aussi a du style : « il organise des fêtes où la débauche est une muse », « les quais de Seine sont le territoire des délaissés de l'aube ». Son livre est allègre comme celui de Frédéric Martinez sur Paul-Jean Toulet. Il donne envie de revoir ces films insolents : Les Bonnes Femmes, Les Godelureaux, Les Biches... et de lire Les Mauvais Plaisants ou Une partie déplaisir, les romans d'un homme qui se disait de droite par provocation. Une manie qui pourrait bien revenir à la mode,
FREDERIC BEIBEDER
Une âme damnée- Paul Gégauff, d'Arnaud Le Guern (Pierre-Guillaume de Roux, 2012)
Paul Gégauff en plein soleil
Arnaud Le Guern, 36 ans, a composé ce livre nyctalope, entre balade biographique, autour d'un homme disparu en 1983, délicieusement méconnu,PaulGégauff, et digressions personnelles. Lui même, Le Guern, buveur exigeant de livres et de films «oldscouîe», écrivain presque jeune, demi dandy paumé en 2012, soupèse sa vie en regard de celle de Gégauff. Pas évident, quand Paul Gégauff a été le scénariste de Chabrol, de Rohmer, de Schroeder, l'ennemi goguenard de Truffaut (à qui il aurait directement inspire le personnage principal d'A bout de souffle, écrit par Truffaut avant d'être tourne par Godard, autre bon copain de Gégauff). Que la bête meure et Plein soleil, c'est encore Gégauff, cet homme pour qui Sagan ou Vadim avaient beaucoup d'estime, des amitiés particulières. Et que même un Johnny Hallyday appelait son «maître à penser». Gégauff qui jouait du piano pour Mick Jagger ou Marlon Brando La liste est longue comme les jambes de Caroline Grimaldi, l'autre princesse de Monaco, que Gégauff refusera de draguer un soir, parmi d'autres. Gégauff a ainsi frayé avec deux ou trois cliques fameuses, qu'il semblait dominer pourtant, et écrit des livres, des films, il les écrivait très vite, pour pouvoir se consacrer à la vie, aux mille instants. Sans cesse «défaire l'immonde sur un coin de table». Pratiquant «un dandysme de fm du monde», il était surtout de ces rares nostalgiques du présent, «îe bel aujourd 'hui qui raye de la memoire les flamboyants, et les insoumis». Ce présent sans éclat, que Gégauff s'échinait a bousculer, à électriser au moindre mot A la maniere d'un clown imprévisible, grossier avec talent, trop intelligent pour être triste Quitte a passer parfois pour fou, fasciste, ou tout ce qu'on vou dra Quand 1968 bat le pave, Gégauff écrit plutôt des scénarios de «revolution dans let, chambres a coucher» Jamais dans le rang, quel qu'il soit, il prefere le plaisir au bonheur, fut il collectif II est de cette «race de desperados n'ayant que mépris et coups tordus à jeter en pâture à [son] époque» Dernier anarchiste, dernier Mohican? Homme libre, en fait, irrespectueux par principe. «Jl est comme le ver dans le fruit de cette société délicieusement pourrie : à l’aise mais pas dupe.» Et surtout vivant, au point de se faire, enfin, à 61 ans, poignarder trois fois par son épouse de 25 ans, à qui il venait de donner un enfant. Bien sûr, il en meurt : il fallait ce finale, à hauteur de comète, comme le bonhomme. D'ailleurs, une société moins lisse donnerait peut-être son nom à quelque ruelle. Voire à tout un boulevard. Pour l'emmerder un peu, Gégauff, le charrier à son tour, tendrement. Et parce que «la vie, finalement, ressemble à un film de Rohmer dialogué par Gégauff».Pas pour tout le monde, certes. II n'empêche, «l'important, c'est la parole vivante, c'est le style.» Et la vie de Gégauff, généreusement servie par Le Guern, déborde le livre, rappelle toutes nos monotonies à l'ordre, les éclabousse de puissantes couleurs. On risque d'être touché.
ANTONIN IOMMI-AMUNATEGUI
Une âme damnée – Paul Gégauff, d’Arnaud Le Guern (Pierre-Guillaume de Roux, 2012)
Le dandy surdoué du cinéma
Avec style et panache, Arnaud Le Guern dresse le portrait du scénariste, dialoguiste et écrivain Paul Gégauff, personnage sulfureux au destin fracassé.
Roman ? Essai ? Chronique ? Editeur, journaliste et écrivain de grand talent, Arnaud Le Guem mélange allègrement les trois genres dans son demie ouvrage magnifiquement - et si justement - intitule Une âme damnée, Paul Gégauff II y dresse un portrait sans apprêt de Paul Gégauff (1923-1983), scénariste, dialoguiste, acteur, réalisateur et écrivain, « le dandy surdoué du cinéma français » des sixties et des seventies Ami de Françoise Sagan, de Maurice Ronet et de Roger Vadim, dilettante hyper article_actif, il a le profil parfait du hussard et du noceur (alcool en grande quantité, tabac, femmes a volonté, belles voitures et dolce vita) Pourtant, c'est aux très sérieuses éditions Minuit qu'il commence par publier La dite Nouvelle Vague, il prend un malin plaisir a la brocarder, voire a l'humilier, ce qui ne l'empêche pas de travailler avec Eric Rohmer. Mais c'est avec Claude Chabrol qu'il donnera le meilleur de son talent notamment dans Les Biches, Que la bête meure et Une partie de plaisir. Egalement avec le célèbre More, film culte de l'après 68, de Barbet Schroeder. II mourra en Norvège, poignardé par sa très jeune épouse. Une fin qu'il aurait pu écrire dans l'un de ses scénarios. Arnaud Le Guern alimente son récit avec des passages autobiographiques. II analyse sa passion pour Gégauff , il raconte comment il écrit ce livre, évoque ses périgrinations sur les traces du scénariste en compagnie de miss K , son amour. Tout cela est beau, frais, terriblement bien écrit et séduisant. Toujours léger, jamais pesant. Le Guern maîtrise son sujet avec panache, tend sa prose, cerne son personnage. Ce n'est jamais une traque. Juste une maniere de virée, de bringue menée tambour battant. II nous donne a humer les dessous d'une époque flamboyante, folle, où nombreux sont ceux qui se sont brûlé les ailes. Paul Gégauft était de ceux-là.
PHILIPPE LACOCHE
Une âme damnée, Paul Gégauff, d'Arnaud Le Guern (Pierre-Guillaume de Roux, 2012)
Un héros de Nimier à l'air libre
Paul Gégauff était scénariste et acteur. On le voit ici dans Une partie de plaisir (1974)de Claude Chabrol dont il a écrit le scénario. Au cours de la scène dans le cimetière il a pour partenaire sa première femme, la comédienne et productrice exécutive Danièle Gégauff (née Rosencranz), mère de sa fille aînée. A l’écran, le personnage de Guégauff piétine à mort celle qu’il aime, sur une tombe… Dans la vie réelle, c’est sa seconde femme qui l’a massacré à coups de couteau.
Il fallait écrire la biographie de Paul Gégauff (1922-1983). C’est chose faite et bien faite. Et c’est mieux qu’une biographie universitaire écrite avec une truelle: il s’agit en fait d’un hommage, entre le réel et l’onirisme, soit la vie réelle de Gégauff. Auparavant, Eric Neuhoff avait déjà célébré le scénariste dans un livre consacré à des écorchés vifs.(Les Insoumis, Fayard, 2009) Gégauff ? Vous le connaissez sans le connaître. Il a écrit une grande quantité de scénarii : Plein Soleil (René Clément), d’innombrables Chabrol (Les Cousins, A double tour, Les Biches, Que la bête meure, Docteur Popaul…) Docteur Popaul, une histoire dingue,à la mords moi le noeud, où Belmondo s’amuse à avoir des aventures avec des femmes abominables… Les amis du scénariste étaient Maurice Ronet- l’inoubliable acteur du Feu Follet- Roger Vadim et Françoise Sagan. Il vivait à 200 à l’heure, toujours prêt à faire les 400 coups. Il a brûlé sa vie, buvant comme un polonais qui a vécu un mois dans le désert avant de vider une cave. Il finit poignardé par sa femme. Sa vie mériterait un film, et un long métrage, pas un court. C’est le moins qu’on puisse faire.
Contentons-nous pour l’instant du livre d’Arnaud Le Guern qui restitue pleinement Gégauff, un suicidé de la société moderne. « Tue-moi si tu veux mais arrête de m’emmerder… » Cela vaut le « Lilly aime-moi » de Maïakovski. Sa dernière épouse- “une Norvégienne métisée de 25 ans apprentie comédienne qui lui avait donné une petite fille- l’a trucidé de trois coups de couteau. Les coups de schlass furent donnés dans la nuit du 24 au 25 décembre 1983, en Norvège. Bonjour Maman Noël. Elle avait 25 ans et lui 61. “Neige, neige, reste en Norvège jusqu’à ce que j’apprenne le solfège” a écrit Soupault. Gégauff aurait dû se méfier: il connaissait la musique… mais la gueule du loup l’attirait. Le biographe céleste compare finement ce fait divers à ceux racontés par Félix Fénéon. Gégauff c’est un héros de Nimier à l’air libre. C’est James Dean qui serait devenu un peu vieux. Arnaud Le Guern a une plume nerveuse qui convient à l’artiste qu’il a choisi de nous livrer en totalité.
Ni de droite ni de gauche, Gégauff lisait le facho Rebatet et allait ensuite se biturer avec le coco Roger Vaillant. Gégauff avait hissé la provocation au rang des beaux arts comme Cravan, Rigaut et Vaché mais au lieu de se suicider, on l’a suicidé. Par une main de femme en plus. C’est un Mishima contrarié. Un jour de bal costumé, il s’habilla en nazi et demanda à un copain de mettre un pyjama rayé…mais ce dernier se fit porter pâle au dernier moment. Dégraissé de quelques complaisances envers des pipoles de la rive gauche actuelle, ce livre aurait pu être un chef d’œuvre, un peu comme le Nimier d’Olivier Frébourg. Croiser des médiatiques qui veulent à la fois être célèbres et maudits cela n’apporte rien. N’est pas Alain Pacadis ou Paul Guégauff qui veut. Tout le monde n’a pas le cran de jouer à la roulette russe avec l’existence. Etre presque un chef d’œuvre n’est-ce pas un beau compliment? L’important c’est qu’on voit Gégauff surgir des pages, tel l’oiseau qui s’échappe de sa cage.
BERNARD MORLINO
Une âme damnée, Paul Gégauff
, d’Arnaud le Guern (Pierre-Guillaume de Roux, 2012)
Le dernier des Hussards
On a du mal à imaginer aujourd'hui que le domaine romanesque français a été le lieu, dans les années 1950-1960, non d'une guerre-on en sortait- mais d'une série de duels plus cinglants que sanglants. Les sartriens (pas Sartre), les communistes (pas Aragon), puis le Nouveau Roman tirèrent en effet plus d'une fois l'épée contre les Nimier, Blondin, Laurent, Déon, Gégauff, qui leur rendirent coup pour coup. En référence au « Hussard bleu » de Nimier, Bernard Frank, alors proche de Sartre, les traita de « hussards ». Ils ne s'en portèrent pas plus mal. Chacune des factions avait son éditeur de référence, Minuit à gauche, La Table ronde à droite, avec Gallimard en arbitre et en récupérateur. Or, par l'une de ces contradictions qui nous font chérir le hasard, Paul Gégauff, le plus extravagant des hussards, publia ses quatre romans chez Minuit. Est-ce cette audace, ou est-ce son grand talent, qui lui valut l'indifférence des « historiens » de la littérature ? Allez savoir. Il était temps, en tout cas, que l'injustice, car c'en est une, soit réparée. Dans « Une âme damnée », Arnaud Le Guern s'y emploie avec verve. Et tendresse. Fasciné par son modèle, le portraitiste enrage, à l'évidence, d'être né trop tard pour avoir pu en être l'ami. Gégauff était séduisant, intrépide et furieux. Généreux aussi. Si bien qu'il ne fut pas de ces artistes au petit pied qui thésaurisent prix littéraires et médailles honorifiques. Préférant les femmes, et l'alcool, aux distinctions qui entachent le cœur, Gégauff ne pouvait avoir qu'une fin tragique (sa dernière compagne le poignarda en 1983). Entre-temps, il fut, à défaut d'être reconnu comme romancier, le scénariste de la Nouvelle Vague, l'ami de Rohmer, de Godard, de Chabrol et de Ronet. Aussi Le Guern restitue-t-il au galop l'homme et son temps. On se croirait revenus au temps des hussards.
GERARD GUEGAN
Une âme damnée, Paul Gégauff, d'Arnaud Le Guern, (Pierre-Guillaume de Roux, 2012)
« Fasciné par son modèle, le portraitiste enrage, à l'évidence, d'être né trop tard pour avoir pu en être l'ami »
Ce qu'en pense Jean-Luc Bitton
"
Il y a de quoi être troublé quand on s'aperçoit qu'on va passer sa vie à travailler avec, pour seul salaire, la mort au bout." Belle citation circonstancielle de Bernard Frank mise en exergue d'
Une âme damnée, passionnant récit d'
Arnaud Le Guern, consacré à Paul Gégauff, ce talentueux scénariste/dialoguiste, méconnu du public, voyou dandy du cinéma français, qui traversa la vie comme un chien dans un jeu de quilles. Un faux dilettante à qui l'on attribue cette géniale réplique dont la dangerosité nonchalante lui fut fatale : "Tue-moi si tu veux, mais arrête de m'emmerder." Un soir de Noël 1983, dans un chalet norvégien ( on se croirait dans un mélo de Douglas Sirk), sa jeune compagne de vingt-cinq ans prit l'amusante supplique au pied de la lettre, et le tua de trois coups de couteau, mettant FIN à soixante et une années d'une vie considérée avant tout comme une partie de plaisir.
Rewind. Arnaud Le Guern rembobine avec tendresse le film de cette existence tumultueuse et libre, surimpressionnant sa vie à celle de Gégauff. Un exercice littéraire délicat voire casse-gueule qui mêle autobiographie, investigation biographique, digressions intimes, fiction et témoignages. Le lecteur se perd avec bonheur dans les méandres de ces vies confondues. Quand Arnaud Le Guern évoque le coup de foudre d' amitié entre Maurice Ronet et Paul Gégauff qu'il compare à Brett Sinclair et Danny Wilde d'
Amicalement vôtre, il fait aussi allusion à un autre duo d'amis : "Avec Ronet, Gégauff aimait boire, parler de Jacques Rigaut et Drieu la Rochelle." Quand on lit la vie de Gégauff, il est difficile de ne pas penser à celle de Rigaut, quasiment deux frères d'armes… Le Guern a retrouvé dans un vieux
Paris Match les mots de Roger Vadim qui rend hommage à Gégauff, son ami disparu, des mots qui auraient pu servir de notice nécrologique pour Rigaut : "C'est ainsi que je le vois, mi-poète, mi-fou, égoïste et vulnérable à la façon des enfants, avide d'aventures et de plaisirs, curieux, atteint de tous les dons mais, finalement, d'une grande rigueur intellectuelle dans les désordres de sa vie." Puis l'auteur nous entraîne dans une soirée amoureuse avec la charmante Miss K. qui devient le fil d'Ariane du livre auquel le lecteur se raccroche avec délice. Il y a aussi Louise, la petite fille de l'auteur, grâce à laquelle on découvre les contes de Pierre Gripari qu'on aimerait lire à son petit garçon. Et c'est reparti pour la tournée des grands-ducs avec la bande de Gégauff dans une dérive situationniste rive gauche, un name dropping de noctambules invétérés dont Christian Marquand, Anita Pallenberg, Dani, Amanda Lear, Tina Aumont… L'hiver à Paris, l'été à Saint-Tropez. Le Guern raconte aussi le Gégauff écri-vain : quatre romans publiés dans les années 50 aux éditions de Minuit et quelques nouvelles. Une œuvre mince mais remarquée par Bataille : "Paul Gégauff a voulu décrire un univers plus vrai, où le saugrenu et l'injustifiable caprice feraient la loi comme il n'arrive que dans les rêves." Roger Nimier salue également les velléités littéraires de Gégauff : " Les qualités de Paul Gégauff sont : le cynisme, le sens de la drôlerie, un style vif où la pensée saute d'un mot à l'autre comme une puce." La littérature ça impressionne mais ça ne paie pas les virées nocturnes. Gégauff se tourne alors vers le cinéma. Une première rencontre avec Rohmer qui le fait jouer dans son premier court-métrage :
Journal d'un scélérat. Gégauff se moque de la passion de Rohmer pour les jeunes filles, puis s'envole pour l'Espagne où il se lance dans quelques affaires interlopes tout en multipliant les conquêtes féminines. Une mésaventure le laisse sur la paille, presque clochard, puis un heureux rebondissement et le voici de retour à Paris les poches déformées par les billets. Cet épisode romanesque inspirera à Rohmer un de ses films :
Le Signe du lion. Gégauff apportera quelques corrections aux dialogues, mais refusera de tenir le rôle principal. Comment décemment jouer son propre rôle ? Gégauff se moque encore, de la "Nouvelle vague" du cinéma français, des
Cahiers du cinéma, de Truffaut qu'il trouve prétentieux et coincé, de Godard qu'il surnomme "le Dostoïevski de Lausanne". Lors d'un débat dans un ciné-club, il provoque un jeune réalisateur débutant, Claude Chabrol qui vient de finir une longue tirade sur Hitchcock : " Monsieur, vous n'y connaissez rien. Vous êtes un inculte, cinématographiquement parlant." La joute verbale se poursuit alors au bistrot d'où les deux protagonistes sortiront les meilleurs amis du monde. Gégauff s'installe chez Chabrol qui lui confie les dialogues de son prochain film :
Les Cousins. Ours d'or au festival de Berlin en 1959. Dans le film, Chabrol fait porter à Jean-Claude Brialy un casque à pointe allemand. On impute cette provocation à Gégauff qui ne dément pas. En 1950, il s'était présenté à un bal costumé attifé d'un uniforme de la Wehrmacht tout en faisant le salut nazi. La farce à tonalité dadaïste avait jeté un froid sur la soirée. Gégauff prend un malin plaisir à provoquer les bien-pensants, les donneurs de leçons et autres terroristes intellectuels de l'époque. Une attitude politiquement incorrecte qui lui assure une mauvaise réputation immédiate et durable. Gégauff enfonce le clou en ajoutant : "C'est la coquetterie qui m'incite à cultiver cette image de fasciste. Les humanitaristes sont tellement nombreux, tellement ennuyeux, tellement collants, que ça m'amuse de trancher là-dessus." Arnaud Le Guern a raison de citer Antoine Blondin pour illustrer ce grand malentendu (plus que jamais d'actualité) : "Ils disent que nous sommes des écrivains de droite, parce qu'ils n'arrivent pas à nous classer à gauche." Gégauff se fout de la politique comme de la morale, c'est un cocktail dandyesque avec beaucoup de Fitzgerald et un zeste d'Oscar Wilde, un poète tendre et amer qui écrit en catimini de sublimes haïkus : " C'est beau les nuages / Pourtant, on me reproche / D'être toujours dedans " Gégauff devient le scénariste attitré (15 films!) de Claude Chabrol qui se retrouve dans ce dandy désabusé à l'humour corrosif. Dans ses mémoires, Chabrol évoque son ami scénariste : "Anar de droite ou de gauche, aujourd'hui encore je ne sais pas vraiment où Paul se situait. Il avait un point de vue radicalement différent de monsieur Tout-le-monde. Il était terriblement doué, mais socialement peu compatible, dirait-on aujourd'hui. Il incarnait la liberté que je ne savais pas conquérir seul." Lors de la sortie du film
LesBonnes Femmes, les deux compères sont attaqués pour misogynie, Françoise Sagan sera une des rares à prendre la défense de cette fable flaubertienne qui décrit sans indulgence l'aliénation féminine. Chabrol doit beaucoup à Gégauff qui lui a permis de réaliser ses meilleurs films. Au début des années 60, lassé par les querelles germanopratines, Gégauff prend le large pour Tahiti où il souhaite adapter pour le cinéma un roman de Stevenson,
Le Reflux. Il réussit à convaincre un producteur de lui confier quelques millions de francs, alors qu'il ne possède même pas les droits d'adaptation. Sous les cocotiers polynésiens, dans l'ancienne maison de Stevenson, il écrit le scénario de son unique film en buvant du Moët & Chandon 1957. Il réalise quelques prises de vues, puis délègue la réalisation à son assistant. Pour Gégauff, tout est sur le papier, le reste n'est qu'une banale et ennuyeuse question de technique. Pour des raisons juridiques et probablement commerciales, le film ne sera jamais projeté en salle. On peut voir quelques images de ce film fantôme dans
L'intrus (2004) de Claire Denis, une mise en abyme cinématographique dans laquelle la réalisatrice fait tourner l'acteur Michel Subor qui tenait un rôle dans le film de Gégauff. En 1968, Gégauff s'amuse des gesticulations estudiantines, et préfère écluser de nombreuses bouteilles à Saint-Tropez en compagnie de Maurice Ronet, Vadim, Sagan, Bernard Franck et Johnny Hallyday… "C'est l'homme qui m'a fait le plus rire et le plus pleurer de ma vie", avouera le rocker français. De retour à Paris, Gégauff descend les Champs-Elysées avec les gaullistes en scandant des slogans surréalistes : "La cuisine avec nous!, la cuisine est française!" L'agitation retombée, Gégauff renvoie tout le monde dans les cordes en écrivant le scénario de
Que la bête meure, le plus noir des films de Chabrol, avec l'admirable Jean Yanne (imposé par Gégauff) dans le rôle du salaud intégral. Lors d'un dialogue, à propos de la littérature, entre les protagonistes du film, le scénariste Gégauff se permet une note d'humour à son égard : " - Que pensez vous de Gégauff ?? Bien sûr personne n'en parle mais si on suit ce qu'il a écrit on peut se dire que son œuvre est très profonde , elle va loin ! -Ah oui , oui ça va très loin Gégauff." Il existe une (petite) famille gégauffienne dans le cinéma français, dont fait partie Jean Eustache, autre électron libre et iconoclaste. Un jour, Gégauff donnera sa définition du cinéma au réalisateur de
La maman et la putain : " Le cinéma doit être le glacial reflet de la vie. Il faut montrer les choses dans tout leur ennui, dans toute leur froideur. Ou alors, on fait autre chose." En 1969, Barbet Schroeder, producteur des films de Rohmer, passe à la réalisation avec un premier film dont il confie le scénario à Gégauff.
More, film mortifère sans concessions sur le caractère illusoire des idéaux libertaires et le repli dans la drogue (héroïne) sous le soleil aveuglant d'Ibiza, avec pour bande son la musique puissante et hypnotique du groupe Pink Floyd. Gégauff participera également à
La vallée, autre film de Schroeder qui évoque les limites et les paradoxes de l'utopie rousseauiste prônée par la génération hippie, en opposition à la médiocrité et au conformisme de la vie bourgeoise de leurs parents. Gégauff n'aime pas qu'on galvaude le mot liberté : " Ceux qui parlent de liberté sont presque toujours des pauvres mecs terrorisés par leur belle-mère, ficelés comme des saucissons. Très peu de gens souhaitent réellement être libres." Une liberté d'esprit qui s'accorde peu aux contraintes d'une vie conjugale qui part à vau-l'eau. C'est Chabrol qui filme le naufrage dans
Une partie de plaisir où Gégauff joue enfin son propre rôle avec sa femme Danielle, amour défunt, qu'il piétine à mort dans un cimetière. Gégauff le colosse vacille. Les dernières années passent mal, Chabrol ronronne au cinéma, il n'a plus besoin de Gégauff qui fait de sa vie un film inachevé : quelques gribouillages scénaristiques, une jeune et séduisante compagne, des engueulades, des retrouvailles, un enfant, des ébauches de romans ou de films, et de nombreux verres de whisky avec les amis fidèles, Ronet et Marquand. L'amertume semble inévitable. "J'ai visité une jolie ruine. C'était moi.", écrit Gégauff. Un très bel aphorisme qui aurait pu lui servir d'épitaphe. Le 14 mars 1983, dans une chambre de l'hôpital Laennec, s'éteint un autre feu follet du cinéma français, son ami Maurice Ronet. Et le lendemain, ce titre qui fait grimacer à la Une du quotidien
Libération: "Maurice Ronet : la mort d'un looser des sixties " Quelques mois plus tard, Gégauff se laissera tuer, une mort cinématographique, dans un ultime scénario qu'il avait lui-même écrit. Le dernier souffle d'un homme libre, jusqu'à la fin.
JEAN-LUC BITTON
Une âme damnée - Paul Gégauff, d'Arnaud Le Guern (Pierre-Guillaume de Roux, 2012)
On en parle
Ce samedi 15 septembre, Eric Naulleau fait de cette flânerie signée Arnaud Le Guern son "coup de coeur" de rentrée dans Ca balance à Paris, à 18h15 sur Paris Première. La semaine prochaine, le vendredi 21, Frédéric Beigbeder présentera quant à lui le livre dans Le Cercle, sur Canal Plus cinéma.
Une âme damnée - Paul Gégauff, d'Arnaud Le Guern
(Pierre-Guillaume de Roux, 2012)
Le Paul Gégauff d'Arnaud Le Guern
C’est le livre le plus chic du moment. Les gens de goût et de talent ne s’y trompent pas : Sébastien Lapaque dans Le Figaro littéraire du 13 septembre dernier en a fait son coup de coeur ; Eric Naulleau, dans son émission Ca balance à Paris sur Paris Première, a eu la parole laudatrice. Arnaud Le Guern n’est pas de ceux pour qui les morts sont morts. Grâce à lui, ce trublion magnifique de Paul Gégauff est terriblement présent. Ce livre est un ravissement buissonnier. Lumineux, incandescent. Romanesque en diable.
Penser à Paul Gégauff c’est, peut-être, se souvenir de cette phrase de Nimier dans Le Grand d’Espagne: "Nous sommes les libertins du siècle." Homme couvert de femmes, aficionado des mots, goûtant volontiers les plaisirs de l’excès, ni dans un camp ni dans l’autre, usant sans crainte du plaisir aristocratique de déplaire cher à Baudelaire, Paul Gégauff (1922-1983) fut cet homme pourvu de tous les dons: à la fois écrivain, scénariste, dialoguiste, acteur, réalisateur. Irrévérencieux, désinvolte, il incarnait quelque chose de "très français." Il était aussi une figure très attachante, un "enfant terrible du cinéma français" dont la flamboyance est restituée avec brio par Arnaud Le Guern.
Ca commence par la fin, quand Paul Gégauff lance à sa jeune épouse: "Tue-moi si tu veux, mais ne m’emmerde pas!" et que cette dernière s’exécute, le poignardant de 3 coups de couteau cette nuit de Noël 1983, en Norvège. C’est ce qui s’appelle se débrouiller pour avoir une légende. Mais Paul Gégauff n’avait pas besoin d’une telle fin pour qu’on se souvienne de lui. Il a été le scénariste de films cultes qu’on ne revoit pas sans un déchirement à l’âme: "Plein Soleil" de René Clément, "Le signe du lion" de Rohmer, "Que la bête meure", "Docteur Popaul" ou "Les Godelureaux" (d’après le roman d’Eric Ollivier) de Chabrol. Ce n’est qu’un aperçu. La liste est longue des films que Gégauff a éclaboussé de son talent et de son aura. D’une phrase, Arnaud Le Guern définit le bonhomme: "Vous étiez un dandy dilettante tendance Pierre de Régnier, une gloire gâchée du Septième art selon les "professionnels de la profession". (Au passage, Arnaud Le Guern invite à découvrir ou redécouvrir Pierre de Régnier. Ce n’est pas rien.) Paul Gégauff fut aussi un brillant écrivain, assez singulier. On lui doit notamment Burlesque (1940, il a 18 ans…), Les Mauvais plaisants (1951), Le Toit des autres (1952)…
Entre Paris et sa Bretagne, Arnaud Le Guern fait valser les paragraphes pour faire rutiler la légende Gégauff, sa démesure joyeuse, ses bravades, ses esclandres (passage savoureux du livre où l’on apprend que lors d’un bal costumé à Saint-Germain-des-Près, Gégauff s’est paré d’un uniforme de soldat de la Wehrmacht). L’auteur ressuscite avec panache une époque ébouriffante, voluptueuse, ivre d’insouciance et de féérie contagieuse. Gégauff a pour délicieuse compagnie son grand copain Maurice Ronet, Roger Vadim et des femmes fatales; il lève le coude au bar du Pont-Royal avec Nimier, Blondin, Jacques Laurent…Cet homme sait s’entourer comme il sait se foutre des existentialistes et de tous ceux qui l’ennuient ou le navrent. Il y a chez lui, dans son aspiration à la grandeur et sa détestation de la médiocrité, un idéal aristocratique qui pousse fatalement à tenir une morale du mépris. Paul Gégauff libertin, flambeur, dérangeant et débauché est l’incarnation de la pureté et de la sincérité.
Dans un va et vient entre notre époque et ce temps béni, Arnaud Le Guern fait se chevaucher la poursuite d’un mythe et son propre vagabondage. On lit avec bonheur ses déambulations amoureuses avec Miss K, ses souvenirs d’enfance et de comptoir, ses mots sur la Bretagne. Comme tout portrait, ce livre est aussi, sans doute, un autoportrait en creux. Ce livre est enfin une belle déclaration d’amour à un temps d’avant, un monde d’autrefois qui n’existe plus que dans les mémoires. On repense aux livres, aux films, aux actrices surtout. Il y en a une jolie ribambelle ici. On ne relit pas leurs noms sans émotion. Tout ça donne envie de trinquer. Et pas qu’une fois.
ALEXANDRE LE DINH
Une âme damnée - Paul Gégauff, d'Arnaud Le Guern (Pierre-Guillaume de Roux, 2012)
Stèle pour Paul Gégauff
Ecrivain, acteur et surtout scénariste, Paul Gé- gauff était un irrégulier de belle race. Arnaud Le Guern le ressuscite dans un récit très personnel.
Qui se souvient de Paul Gégauff ? Pas grand-monde. Quelques cinéphiles et fétichistes de la mémoire, des amoureux de destins fracassés, des esprits curieux fréquen- tant les auteurs du second rayon. Arnaud Le Guern est de ces originaux. Avant lui, Eric Neu- hoff consacrait dans Les Insoumis des pages sen- sibles à celui qui passe pour avoir été l’inventeur du «dîner de cons» et qu’il définissait ainsi : «hip- pie et mérovingien, pompidolien et décadent, réactionnaire et sulfureux». De Gégauff, on a re- tenu sa fin digne d’une série B puisqu’il fut poi- gnardé par sa jeune épouse dans la nuit du 24 au 25 décembre 1983, en Norvège. Quelques années auparavant, après une tentative infruc- tueuse, il lui aurait rétorqué : «Assassine-moi si tu veux, mais ne m’emmerde pas.» La leçon fut retenue.
Auteur d’un portrait de Jean-Edern Hallier et d’un roman, Arnaud Le Guern revient sur le person- nage avec Une âme damnée. Il ne faut pas at- tendre de ce récit écrit à la première personne, qui tient autant de l’autoportrait que du roman,une biographie à l’américaine. Gégauff est ici un miroir que l’auteur pro- mène le long de son propre che- min. D’ailleurs, que retenir de Gégauff ? Une poignée de ro- mans, un recueil de nouvelles, une trentaine de films dont il signa le scéna- rio ou les dia- logues –certains marquants (Plein soleil de Clément, quelques-uns des meilleurs Chabrol), d’autres à oublier. Il réalisa également un film et fit un peu l’acteur. Le bagage est assez léger, alors Le Guern projette sur son sujet ses obsessions et ses pas- sions.
Monde d’avant
Une âme damnée prend l’allure d’une dérive noc- turne, d’un dialogue, d’une rêverie, d’un kaléido- scope d’images et de sons, de références et de citations. Cette géographie sentimentale n’est pas universelle, mais c’est précisément sa singularité qui en fait le prix. Anar, dandy, provocateur, jouisseur : Paul Gégauff a fait de sa vie son œuvre. Arnaud Le Guern le souligne dans un mé- lange d’admiration et de regret : «Plus personne ne vivait, comme lui, au gré de ses plaisirs. Plus personne ne se servait, à sa manière, de la joie et de la mélancolie comme d’une arme de préci- sion (...) Il représentait un monde d’avant qui n’en finissait pas de crever. Un monde d’avant que les derniers rejetons de la beauté ne voulaient pas voir disparaître, qu’ils essayaient de retenir, de réinventer.» Entre nostalgie et refus de céder au renoncement, Une âme damnée se présente comme le manifeste d’une armée des ombres de réfractaires et de rêveurs. Enfin, comme pour une comédie américaine de Judd Apatow ou des frères Farrelly, il faut rester dans ce livre en noir et blanc teinté de technicolor jusqu’à la fin et des remerciements où la reconnaissance se mêle à l’insolence.
CHRISTIAN AUTHIER
Une âme damnée - Paul Gégauff, d'Arnaud Le Guern (Pierre-Guillaume de Roux, 2012)
Gégauff l'écrivain masqué
De Paul Gégauff, on sait qu'il fut, dans les années 1960, un scénariste prolifique de la Nouvelle Vague. On oublie qu'il fut aussi un excellent romancier lié aux « hussards ». Arnaud Le Guern lui tire joliment le portrait1...
« TU n'as pas lu Gégauff ? », me lance avec étonnement un ami dont les deux passions sont de collectionner les editions originales des hussards et de courir le Sud de l'Europe pour assouvir sa passion des corridas. « C 'est une sorte de hussard inconnu », poursuit-il. Hussard peu connu, assurément, mais hussard de Minuit surtout, puisque tel était son éditeur, les autres membres de cette obédience préférant généralement Gallimard ou La Table ronde. Voilà comment je connus l'existence dc Gégauff. Minuit, c'est l'heure où l'on pouvait croiser Paul Gégauff en compagnie d'Antoine Blondin et d'Alexandre Astruc chez Jean Castel, rue Princesse, dans ce quartier où il arrive à Arnaud Le Gucrn de se promener la gorge tailladée par un tesson de bouteille qu'une jeune fille a tenté de lui enfoncer dans le cou à La Closeriee des Lilas.
Si Arnaud Le Guern s'en est sorti, Paul Gégauff. lui, mourait en Norvège, tué par sa femme sous l'emprise de l'alcool, le soir du 24 décembre 1983, alors qu'il venait de lui dire : « Tue-moi si tu veux, mais arrête de m'emmerder ! » Un conte de Noël en forme de mauvais polar Scandinave... Arnaud Le Guern vient de publier un petit essai bien senti sur Gégauff. Son éditeur avait déjà republié Tous mes amis..., un titre qui ressemble à un début de chanson de France Gall mais qui est un excellent recueil de nouvelles paru originellement chez JuIIiard en 1969.
Paul Gégauff est né la même année qu'Antoine Blondin, en 1922. Ce fils d'industriel alsacien passe l'été 1940 à Saint-Tropez. Après la Libération, il habite le même hôtel parisien qu'Éric Rohmer, avec qui il sympathise. Il travaille un peu avec lui et l'inspire pour les personnages des héros du Journal d'un scé- lérat (1950) et du Signe du Lion (1959), film pour lequel il est crédité au scénario. À Saint-Germain-des-Prés, Gégauff aime provoquer : il se déguise en soldat allemand lors de soirées costumées. Il donne du « Cher Maitre » à Lucien Rebatet, romancier collaborationniste. auteur décrié des Décombres, qui plaît à la Nouvelle Vague, François Truffaut en tête. Mais Gégauff aime peu François Truffaut, auquel i) préférera toujours Jean-Luc Godard. A la fin des années 1950, il rencontre Claude Chabrol et deviendra son scénariste et dialoguiste fétiche, pour ses trois films les mieux placés au box- office : Docteur Popaul (1972), Les Cousins (1959), À double tour (1959 également), et bien d'autres encore. Dans le même temps, il se lie avec les hussards, ces écrivains de droite issus des eaux de l'Action française. Il écrit dans la revue La Parisienne de Jacques Laurent. Roger Nimier goûte chez lui « un style vif où la pensée saute d'un mot à l'autre comme une puce »
Une Âme damnée nous montre comment, par son attitude même, par l'impertinence de sa vie et la flamboyance de son style. Gégauff se situe au point de convergence des hussards et de la Nouvelle Vague, ll est un peu dommage que la profusion de noms propres cités et de digressions personnelles ralentissent le récit d'Arnaud Le Gucrn. Malgré ces défauts, il a trouvé le ton juste pour célébrer le panache de Paul Gégauff.
JEROME BESNARD
Une âme damnée - Paul Gégauff, d'Arnaud Le Guern (Pierre-Guillaume de Roux, 2012)
Splendides faux fuyants
Fin de semaine, j’étais en plein trip « revival seventies ». La lecture du troisième numéro de Schnock m’avait conforté dans ma certitude qu’effectivement « c’était mieux avant ! ». Le catalogue Peugeot recelait encore quelques merveilles comme cette anachronique 604 dégoulinante de prétention, dernier sursaut d’orgueil avant la Mondialisation et ses automobiles calibrées. A la faveur d’un programme télé suranné, j’avais revu Belmondo dans l’Héritier, ce Bart Cordell, caricatural et énergique, me plaisait par son style flamboyant. Dernière salve d’un monde libre avant la grande résignation des peuples. Clap de fin des Trente Glorieuses !
Cap sur les années 80 avec leur rationalisme forcené comme viatique et leur déclassement généralisé à l’horizon galopant. En 1973, cet héritier de cinéma tenait le monde dans ses mains. Fascinant croisement entre Jean-Luc Lagardère et Steve McQueen, il exprimait l’insouciance des années 70. Une frénésie d’exister, une puissance jubilatoire et un goût de la provocation tellement rafraîchissant. Une époque où l’homme moderne pouvait laisser traîner sur la banquette arrière de sa Jaguar XJ6, un exemplaire de Lui sans craindre un quelconque procès. Une jeune sujette de sa Majesté y dévoilait en couverture son attirant postérieur sans que l’Union Jack ne s’en offusque. Bien au contraire, les anglaises dénudées étaient le meilleur argument pour nous faire aimer cette île aux mœurs étranges. J’étais conquis par cette légèreté d’avant la City, d’avant le chômage de masse et d’avant les maladies de l’amour. Même la naïveté de Labro qui imaginait alors les hommes d’affaires en héros des temps modernes me réchauffait le cœur. J’aurais aimé rencontré des princes de l’acier qui ont pour fidèle collaborateur, un Charles Denner méthodique et pour maîtresses, une Carla Gravina énigmatique et une Maureen Kerwin dangereusement blessée. Si le mot « liberté » a été depuis si souvent galvaudé, il embaumait cette décennie, il en remplissait chaque année d’un parfum suave.
Ma séquence 70’s comme disent les sondeurs politiques avait succédé à un romantisme acerbe d’après-guerre. J’avais, en effet, suivi les déboires sentimentaux d’un médecin des années 50 dans le quartier d’Auteuil. Cet été-là, Jean Freustié endurait la froideur d’une certaine Irène dont les absences de plus en plus répétées le laissaient dans un état cotonneux. Moitié hébété, moitié soulagé. Sur un marché aux livres anciens, j’avais oublié le désespoir élégant de Freustié car mon œil avait été attiré par une illustration de Ferracci et par un nom, Voldemar Lestienne. L’amant de poche, prix interallié 1975, évoquait les amours d’un jeune lycéen avec une femme riche qui roulait en Maserati Indy « 4 places : 2+2, 8 cylindres, 320 chevaux, 250 kilomètres-heure, 15 millions ! Reconnaissable par n’importe qui à cause de ses phares escamotables ». Ce Voldemar avait survécu au terrible accident de 1957, il était sorti de l’Aston Martin de Françoise Sagan sans addiction au palfium. Je m’étais alors lancé sur la Nationale des souvenirs. Tout y était passé, cinéma, livres, objets publicitaires, une gloutonnerie vintage qui me poussa jusqu’à m’asperger d’Habit Rouge. J’avais vu mon père s’en frictionner le visage à la fin d’un match de tennis. Mais, il était aussi difficile en 2012 de maintenir le standing éclatant de nos pères que de réussir un lift à la Guillermo Vilas en 1977. Dans un accès de folie, j’avais même entrepris de rejoindre les bords de la Loire en empruntant la Nationale 7 historique. Projet d’autant plus fou que j’avais enfourché pour ce périple, ma vieille guêpe italienne. Sur une valse à deux temps, traversant villes endormies, champs inertes et forêts apaisantes, j’avais, un instant, happé avec gourmandise et frénésie l’air doux des années 70. Pour que les plaisirs démodés prolongent ma journée, j’avais emporté dans mes maigres bagages « Sagan et fils » de Denis Westhoff. Dans l’espoir fou que la musique du passé soigne mes aigreurs du présent. Il y a bien quelques mots maladroitement lancés par ce fils aimant qui me sortirent de l’ennui, notamment quelques voitures oubliées (Maserati Mistral, Ferrari 250 Spider California, Type E, Lotus Super Seven) mais de littérature, ce livre en était malheureusement dépourvu.
Des phrases bâclées, rabâchées sans fin, une musique éreintante, un tunnel épuisant où la banalité du propos et la faiblesse du ton rendent cet ouvrage terriblement triste. La bonne volonté ne suffit pas. Le plus grand cadeau que l’on puisse faire à ce fils courageux, c’est de (re)lire les romans de sa mère. Mon trip seventies se finissait mal comme la chute de Jean-Bedel Bokassa en 1979. La littérature réserve pourtant toujours des surprises, en braconnant sur les terres d’Arnaud Le Guern (http://braconnages.blogspot.fr/ ), j’apprenais que son livre Une âme damnée consacré à Paul Gégauff était sorti le 13 septembre. Pour saisir la tourmente gégauffienne, la plume aérienne d’Arnaud, styliste dandy à la décadence subtile est une chance inouïe de (re)découvrir cet acteur/scénariste/dialoguiste/écrivain, gloire des années 70. Si comme moi, vous voulez fuir ce monde qui a capitulé devant le beau, le fort, l’émouvant, ne perdez pas espoir, la cavalerie littéraire de ce romantique désenchanté vous guérira des affres de la rentrée.
THOMAS MORALES
Une âme damnée - Paul Gégauff, d'Arnaud Le Guern (Pierre-Guillaume de Roux, 2012)
Le prix qu'attribuerait Roland Jaccard
Le Prix Claude Chabrol pour : Une âme damnée, Paul Gégauff (éd. De Roux ). Pierre-Guillaume de Roux collectionne les âmes damnées. La plus fascinante est Paul Gégauff (1922-1983) que plus personne ne connaît et qui, grâce au talent d’Arnaud Le Guern, retrouve la place qu’il n’aurait jamais dû perdre, celle d’un grand écrivain et d’un scénariste de génie. Je voulais publier le livre d’Arnaud Le Guern aux PUF. On l’a refusé. J’ai démissionné. Les éditeurs sont souvent lâches et conformistes. Paul Gégauff était trop sulfureux pour eux et Le Guern trop original. J’aime ce que Gégauff a dit un dimanche d’ivresse à Jean Eustache : “Le cinéma doit être le glacial reflet de la vie. Il faut montrer les choses dans tout leur ennui, dans toute leur froideur.”
ROLAND JACCARD
Une âme damnée - Paul Gégauff, d'Arnaud Le Guern
(Pierre-Guillaume de Roux, 2012)
Gégauff le dandy excessif
Son nom est inconnu du grand public Nous l'avons pourtant tous vu distraitement défiler au generique de Plein soleil (René Clément), du Signe du Lion (Rohmer) ou des Cousins (Chabrol) Romancier (quatre livres parus aux éditions de Minuit), dialoguiste surdoue, complice de Rohmer et surtout de Chabrol, dont il a cosigné une douzaine de films, Paul Gegauff fut un dandy excessif en tout - femmes (souvent très jeunes), alcool (rituel premier verre devant Des chiffres et des lettres), nuits (courtes) Le jeune journaliste et écrivain Arnaud Le Guern restitue avec ferveur (elle-même un peu excessive par endroits ) cette âme dam- née « d'une grande rigueur intellectuelle dans les désordres de sa vie », selon le por trait qu'en a dressé son ami Roger Vadim.
Resurgit ainsi entre ces pages cette petite bande d'amis noctambules qui refait le monde chez Castel - Gegauff, les frères Marquand et, surtout, le complice de toujours Maurice Ronet - avant d'aller prendre ses quartiers d'été a Saint-Tropez. Qui d'autre que le fantasque Gégauff aurait ose appeler Rohmer (de son vrai nom Maurice Scherer) « Maumau », ou lancer a Chabrol «Arrête de tourner avec Huppert, c'est un glaçon chiant ' » ? Maîs Gegauff-le-flamboyant finira par lasser même ses meilleurs soutiens. Le scénariste Raoul-Duval écrira « Son goût aristocratique de la beauté et sa haine de la vulgarité débouchent inéluc- tablement sur une morale du mépris » Ce « goût aristocratique de la beauté » signera aussi sa fin dans la nuit de Noel 1983, le dialoguiste est tué de trois coups de couteau par sa compagne, une Norvégienne métisse de 25 ans, dans un chalet a 100 kilomètres d'Oslo.Neige, alcool, sang, c'est beau et macabre comme un scénario de Paul Gégauff, 1922-1983.
JÉRÔMEDUPUIS
Une âme damnée - Paul Gégauff, d'Arnaud Le Guern (Pierre-Guillaume de Roux, 2012)
A la recherche du cinéma d'avant
Arnaud Le Guern est né en 1976, année caniculaire qui annonçait la fin des Seventies. C’était aussi l’année de mes vingt automnes (je suis né en octobre). «Quand on aime la vie, on va au cinéma», disait un slogan publicitaire de l’époque. Me concernant, ce fut le cinéma qui me fit aimer la vie. Le cinéma et, soyons juste, les filles. Je les emmenais voir des films américains, italiens, français. Quand un film était moyen je trouvais commode d’avoir une poitrine à caresser sous un chemisier ou un shetland. Cela n’arrivait pas devant un film de Claude Chabrol ou de René Clément. Et pour cause: j’étais amoureux de Stéphane Audran, de Marie Laforêt, de Romy Schneider. C’est devenu le cas d’Arnaud Le Guern. La cinéphilie est une forme raffinée de nostalgie. Il n’y a qu’à lire Une âme damnée. Bien sûr, voilà un livre comme je les goûte: écrit à la hussarde — au sens de Bernard Frank. Bien sûr, il s’agit d’une biographie de Paul Gégauff, dandy, play-boy, flambeur, scénariste et dialoguiste efficace et cynique des cinéastes de la nouvelle vague. Bien sûr ces chapitres courts, denses, enlevés se lisent comme les pages d’un scénario qui ne demande qu’à être mis en images. Bien sûr, on se laisse embarquer par le récit de la vie de ce voyou magnifique assassiné à coups coups de couteau par sa jeune et belle épouse — « Tue-moi si tu veux, mais arrête de m’emmerder !», lui dit-il imprudemment lors de leur ultime et fatale dispute. Mais, on comprend bien que pour Arnaud Le Guern, le personnage de Gégauff n’est qu’un prétexte pour déclarer son amour aux actrices du monde d’avant, quand le cinéma savait photographier leur regard mélancolique, leur silhouette élégante, leur visage émouvant de garce ou d’âme perdue. Aujourd’hui, quelle actrice le bouleverserait ? Audrey Toutou ? Valérie Lemercier ? Marion Cotillard ? Le Gégauffd’Arnaud Le Guern m’a conforté dans cette certitude : quand on aime les femmes, il ne faut plus aller au cinéma.
FREDERIC SCHIFFTER
http://lephilosophesansqualits.blogspot.fr/2012/09/a-la-recherche-du-cinema-davant.html
Une âme damnée - Paul Gégauff, d'Arnaud Le Guern (Pierre-Guillaume de Roux, 2012)
Paul Gégauff Tout feu tout flamme
Découvrez l'évocation de Paul Gégauff par Arnaud Le Guern dans l'émission Tout feu tout flamme de Sébastien Le Fol avec un enregistrement inédit.
Une âme damnée - Paul Gégauff , d'Arnaud Le Guern (Pierre-Guillaume de Roux, 2012)
Gégauff le désinvolte
Qui se souvient de Paul Gégauff (1922-1983), scénariste du Journal d'un scélérat (Rohmer), de Plein sole// (Clément) et des Godelureaux (Chabrol, d'après le roman d'Eric Olivier), auteur d'une poignée de romans parus chez Minuit. Homme couvert de femmes, génial touche-à-tout portant sa désinvolture en boutonnière, rebute par ce qui était fade, attire par ce qui était âpre, Gégauff a cristallisé la féerie d'une époque d'insouciance souveraine ou l'important était de ne pas se laisser impressionner par les longues figures de l'Existentialisme et du Nouveau Roman Dans un livre aux harmoniques romanesques qui tient à la fois de l'exercice d'admiration et de la dérive amoureuse, Arnaud Le lui rend hommage en l'évoquant comme un grand frere trop tôt disparu.
SEBASTIEN LAPAQUE
Une âme damnée - Paul Gégauff, d'Arnaud Le Guern (Pierre-Guillaume de Roux, 2012)
Une âme damnée et beaucoup de coeur
Prenez le bus, le vélo, un tacot, un otage et filez chez votre libraire acheter le nouveau livre d'Arnaud Le Guern : « Une âme damnée ». Le Guern, il a du coeur, Le Guern, il sait écrire. Le Guern, il est là. Le Guern, il est entré en littérature avec un livre enflammé consacré à Jean-Edern Hallier, intitulé « Stèle pour Edern », paru chez Jean Picollec, en 2001. J'ajoute qu'Arnaud Le Guern est un ami de Jérôme Leroy. Ici-bas, il y a, d'un côté, ceux qui lisent Jérôme Leroy et, de l'autre, ceux qui ne le lisent pas. Ceux qui ne le lisent pas, je ne leur parle pas.
« Une âme damnée » d'Arnaud Le Guern paraît aux Editions Pierre Guillaume de Roux, compte 185 pages et coûte 19,50 euro. Le héros de ce livre, sans gras, ni lourdeur, sans mots morts, sans ce parti pris « réaliste » qui est le moteur poussif des ouvrages moyens, s'appelle Paul Gégauff. Il était écrivain. Il était scénariste. Moi, Gégauff, je ne connaissais pas. Arnaud Le Guern, dès les premières pages de son livre, m'apprend que l'oiseau était hors-normes, un vrai dandy. Il avait dit à son épouse : « Tue-moi si tu veux, mais arrête de m'emmerder ». Et elle, obéissante, de lui coller trois coups de couteau dans le buffet, dans la nuit du 24 au 25 décembre 1983, à l'heure où passe le Père Noël. Il avait 61 ans, elle en avait 25. Elle s'appelait Coco.
Paul Gégauff était le scénariste de René Clément, de Claude Chabrol, d'Eric Rohmer. « Plein soleil », « Le signe du lion », « Que la bête meure » ou « Docteur Popaul », c'est lui. Arnaud Le Guern n'a pas besoin de beaucoup de pages pour dresser le portrait de Gégauff. Un paragraphe lui suffit : « Vous étiez un dandy dilettante tendance Pierre de Régnier, une gloire gâchée du Septième art selon les « professionnels de la profession », « le Brian Jones de la nouvelle vague » selon Bernadette Lafont. Une sacrée carte de visite à l'heure où Luc Besson grillait ses premières cigarettes ». Un paragraphe lui suffit, dis-je. Et ce livre, c'est pour moi le triomphe du paragraphe. Moi, j'aime les paragraphes, j'aime les écrivains pressés de revenir à la ligne : ils considèrent que rien ne doit succéder à une trouvaille verbale, une cadence, une sagaie si ce n'est, au coeur du paragraphe suivant, une autre trouvaille, une autre cadence, une autre sagaie. Qu'ils sont beaux, qu'ils ont du tempo, les paragraphes qui, dans ce livre, se succèdent, s'enchaînent, se répondent, trinquent à la santé d'un Gégauff de nouveau vivant.
Arnaud Le Guern ressemble-t-il à Gégauff ? C'est en tout cas ce qu'affirmait, une nuit, en 1998, un homme avec lequel, dans un bar, il parlait de Brigitte Bardot: « Vous menez une vie de patachon. Vous me faites penser à Paul Gégauff. » Les mots dits la nuit au-dessus des verres vides sont souvent justes. Ceux de l'homme du bar sont restés dans le coeur d'Arnaud Le Guern, rendant l'écriture de son livre possible. Le mémoire se met en route, et Arnaud Le Guern se souvient de ses dix ans, d'Evian, et de ce soir où, à la télé, il découvre « Docteur Popaul », film de Chabrol - scénario de Paul Gégauff-, avec Jean-Paul Belmondo dans le rôle principal. Il a dix ans et il voit tout : l'accident de voiture, l'Alfa Roméo, Belmondo sur l'asphalte. Et Mia Farrow qui lui fait si peur « avec son appareil dentaire, ses lunettes à triple foyer et sa prothèse de jambe ». Retrouvant sa mémoire, revisionnant les films, consultant les coupures de presse, Le Guern, sans jamais se départir de cette légèreté qui permet de distinguer l'écrivain de l'écrivant, poursuit le fantôme de Gégauff, fantôme bien plus présent que tous les morts-vivants qui pérorent autour de nous, dans ce monde saturé de conventions et de médiocrité. On replonge dans les années 60 et 70. On retrouve Françoise Sagan, Maurice Ronet, Jacques Dutronc, Mick Jagger, Marlon Brando et, sur une couverture du magazine « Lui », en queue de pie, jouant du violoncelle, ouvrant les cuisses, Joëlle Mogonsen, la chanteuse du groupe « Il était une fois ». Le passé est vivant dans ce livre, le présent également. Et si l'on croise Le Guern gamin, on le découvre aussi aujourd'hui, s'expliquant avec les mots, tantôt à Paris, tantôt en Bretagne, toujours au bras de Miss K.
Arnaud Le Guern, en faisant revivre Gégauff, en ressuscitant une époque légendaire, résiste à la nôtre où le nivellement ambiant dispute la vedette au saccage quotidien de l'âme. Mais une question, tout à coup, me brûle les lèvres : qu'est donc devenue Coco, la jeune et jolie épouse qui planta par trois fois son surin dans la cage thoracique de Gégauff ? Arnaud Le Guern nous apprend, à la fin de son livre, qu'elle s'est remise à la guitare pour jouer « Armstrong » de Claude Nougaro. Cette Coco, vraiment, est une fille bien.
CHRISTIAN LABORDE
Une âme damnée - Paul Gégauff, d'Arnaud Le Guern
(Pierre-Guillaume de Roux, 2012)
Coup de coeur sur France Musique
Christophe Bourseiller fait son coup de coeur d'Une âme damnée - Paul Gégauff d'Arnaud Le Guern sur France Musique.
Une âme damnée - Paul Gégauff, d'Arnaud Le Guern
(Pierre-Guillaume de Roux, 2012)