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Ariel Denis
Ariel Denis est notamment l’auteur de Fortune de guerre ( Motifs), Récital, une interprétation (Le Rocher) et d’un essai qui fait date sur Julien Gracq (Seghers).
Diffusion : CDE/SODIS.
En librairie le 10 Mars 2011
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ISBN:
2-36371-002-4
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Format:
12,5 x 19,5
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Page:
160pp.
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Prix:
15 €
Stratégies du détachement
Le temps passe, le terrain devient hostile, peut-être est-il encore possible de gagner une bataille, mais déjà la guerre nous a laissés derrière elle. A l’image de la retraite combative d’un détachement de soldats romains à travers les Alpes vertigineuses et glacées, un sautillant marcheur urbain, au cours d’une querelle permanente et rageuse contre la pluie d’Ouest qui ne s’arrête jamais, cherche à coups de parapluie la voie qui permettrait de sauver, dans la musique, toutes les musiques, les drôles d’histoires, les décors comiques et les gens charmants dont il faut à présent se détacher.Diffusion CDE/SODIS
Livres-Hebdo
La galerie des jeux
Spectacle du Monde
Richard Millet, du sang, de la volupté et de la mort
Le courrier de Mantes
Césaire l'insoumis ou un poète au PCF
Témoignage chrétien
Détachement
Librairie Mollat
Ariel le détachant
Le Figaro littéraire
Ariel Denis : Une vie envoûtée
L'Express
Stratégies du détachement d'Ariel Denis : Entre César et Gracq
La galerie des jeux
Trouvé dans une poche (Buchet-Chastel, 2005), le premier recueil des histoires étranges de Fabrice Pataut, avait valu à son auteur de recevoir le prix de la Nouvelle ' de l'Académie française.
Le cas Perenfeld, à paraître chez Pierre-Guillaume de Roux, élargit encore sa palette et son univers pour le moins singulier. Les nouvelles de l'écrivain sont des sprints, des 400 mètres haies ou des semi-marathons d'une égale maîtrise narrative On y suit à Kipling, en Irlande, les conversations du planton O Shea, du fils du pharmacien Delahuney, du sergent Purdue et du révérend Fairbanks. On y assiste à la démonstration du jeune Antoine qui construit de drôles de machines avec tourelles, pistons et tuyaux On y participe au souper donne par Emma, banquet vraiment peu banal. On s'y baigne dans le Rhin avec Marie.
Ne pas rater l'apparition de Dolores Salinas dont le cou est un miracle d'élégance. Ou celle de Ricardo qui lit sans plaisir, vend ses «fesses merveilleuses », collectionne des magazines de sport et ne méprise nullement « la possibilité de l'amour méditatif» Sans parler de Perenfeld, avec son chapeau mou et ses lunettes rondes • « un homme lunaire, un être de solitude et d'introspection » qui a incarné bien des personnages
Eclectique et volontiers farceur Fabrice Pataut ouvre ses pages aux chiens et aux faux vampires. ll s'autorise également un clin d'œil à Saki, un détour par l'empire du Milieu ou par ou par Naples au XVIIIe siècle. L’auteur d’Aloysius (Buchet-Chastel, 2001), repris au Rocher, en «Motifs») propose ici un voyage ludique et toujours surprenant.
Entrez sans tarder dans son labyrinthe vertigineux, le spectacle va commencer !
ALEXANDRE FILLON
Le cas Perenfeld, de Fabrice Pataut (Pierre-Guillaume de Roux, 2014)
Richard Millet, du sang, de la volupté et de la mort
Voici un an que Richard Millet se taisait, depuis la polémique suscitée par son Eloge littéraire d'Anders Breivik.
Il nous revient avec trois livres qui illustrent ses trois façons d'écrire. L'essayiste, le chroniqueur et le romancier.
Richard Millet a choisi dc se mettre à dos le monde entier, exception faite des derniers paysans du Limousin, d'une poignée de femmes au charme trouble et de ce qu'il reste de chrétiens d'Orient II partage son temps entre le Liban et le plateau de Millevaches, vaste pâturage à peine domestique, territoire des loups et des bovins, où s'est épanouie la race limousine, splendide ruminant à la robe froment, à l'encolure courte et au bassin large, auquel Richard Millet vient de consacrer un éloge aussi inattendu qu'enlevé, L'Être-bœuf. Pas de civilisation sans animal de traction, mécanique et totémique le lama, la mule, le cheval ou le chameau. Pour nous, Indo-Européens, ce fut — depuis l'aurochs préhistorique et le Minotaure — la vache, le bœuf et le taureau Occasion pour Millet de se moquer du végétarisme, moins récent qu'il veut bien le croire Les hommes, naguère, en ces âges reculés ignorant la très hygiénique chaîne du froid, se nourrissaient principalement de légumineuses, ils ne connaissaient pas les régimes carnés. Qu'importe, il ajoute à la liste de ses fautes celle d'être un impénitent carnassier.
De quoi conforter les bien-pensants dans leur détestation de l'auteur de l'Eloge littéraire d'Anders Breivik, paru l'an dernier, et qui a donné lieu à une véritable chasse à l'homme, d'une autre nature, certes, que celle qui endeuilla l'île d'Ut0ya, mais où Saint-Germain-des-Prés s'est déshonoré avec un zèle empressé. Dans l'Affaire Richard Millet, la normalienne Muriel de Rengervé revient dans le détail sur ce « lynchage médiatique» une contre-instruction qui se transforme au fil des pages en un réquisitoire accablant contre le « milieu » littéraire. Toujours est-il que Millet, pourtant faiseur de prix Goncourt (les Bienveillantes de Jonathan Littell, en 2006, et l'Art français de la guerre d'Alexis Jenni, en 2011 ), a dû quitter le comité de lecture des éditions Gallimard, le saint des saints de la maison, laquelle continue néanmoins de le publier avec les jeunes et déjà indispensables éditions Pierre-Guillaume de Roux. Il est plus seul que jamais - et aussi plus Grand. Mais c'est ce dont la littérature a besoin si elle veut cesser d'être cet inutile objet de divertissement, industriel ou mondain, qu'elle est devenue. On a tout dit de Millet, qu'il était le Bossuet des destins obscurs, le Sibelius des hauts plateaux du Limousin et des ciels dépressionnaires, le Faulkner d'un monde élémentaire et granitique, aussi implacable qu'une tragédie grecque. Peut-être est-il en réalité plus proche de son homonyme, le peintre Jean-François Millet, à charge pour lui, non de sonner l'Angélus, mais de composer une messe pour les défunts, le requiem du monde rural, un monde vernaculairement païen, en dépit de son catholicisme sourcilleux. C'est, du reste, la mécanisation qui en est venue à bout, au milieu du XXe siècle, pas l'édit de Constantin. Le christianisme l'a laissé inchangé. La civilisation paysanne ? Une charrue, des calvaires à l'entrée des villages et un précis de grammaire - ou, pour le dire comme Millet, « le patois, la tuberculose, les grandes familles, le sens de la syntaxe et les mystères du christianisme».
Avec cela, on a pu traverser le temps. Millet fait revivre une dernière fois ce monde dans Trois légendes, autant de récits haletants qu'on lit d'une traite, à bride abattue, comme ces deux frères qui retournent chez eux à cheval à la fin de la « drôle de guerre », en I940, pour honorer la promesse faite à leur mère de revenir à deux, ce qu'ils feront, mais comme dans la célèbre gravure de Dürer, le Chevalier, la Mort et le Diable l'un des deux frères a le regard vide, le corps déjà décomposé, arrimé à sa monture comme un épouvantail sinistre. Rares sont les romanciers à s'imposer de leur vivant comme des classiques. Millet est de ceux-là. La sombre majesté de sa langue vespérale fait de lui un écrivain à part dans la littérature contemporaine, comme surgi des siècles, un Ancien frappé du désenchantement des Modernes Pour s'en assurer, il suffit de lire son dernier roman - à qui le titre de chef-d’œuvre revient de droit. Une artiste du sexe Laquelle artiste traverse l'existence comme un somnambule, en créature damnée, menant la vie d'une Messaline et faisant songer à Paulina 1880, le roman de Pierre Jean Jouve, plus belle de nuit que Belle de jour, moins femme fatale que victime d'une obscure fatalité générationnelle. Millet confie à l'un de ses amants le soin de retracer sa vie sentimentale et sexuelle, un apprenti écrivain de nationalité américaine qui écrit d'abord en français avant de renouer avec sa langue maternelle et de redevenir « américain, c'est-à-dire un homme sans nostalgie ». L'auteur s'y démultiplie dans des jeux de miroir. Il fait parler par ventriloquie un narrateur auquel il prête nombre de traits, dont sa tentation de l'exil. Car l'auteur de Ma vie parmi les ombres n'en finit pas de prendre congé - de lui, des hommes, de l'Europe. Il y a chez lui une aversion pour le monde moderne qui n'est pas sans rappeler le dégoût bernanossien, même si c'est du Misanthrope qu'il est manifestement le plus proche.
Millet n'habite plus depuis longtemps le monde, mais la langue, ce Sentiment de la langue, qu'il conçoit comme un culte à mystères requérant une longue initiation. Lire ses romans, c'est faire l'expérience d'une mort imminente. On poursuit des ombres aux contours fuyants, des êtres fantomatiques prisonniers d'une hérédité maudite, âmes mal nées, oubliées des dieux et des hommes, avec la sensation d'assister à un cérémonial funéraire, comme si l'auteur écrivait d'outre-tombe avec un goût de cendre et de sang, cette « épiphanie des ténèbres ». Son style délivre un poison acre où se mêle un fond d'amertume et d'orgueil blessé. Le plus frappant dans cette phrase à la beauté incantatoire et opalescente, polie à l'extrême, comme de l'orfèvrerie d'art, c'est l'impression de nudité et d'aridité qu'elle dégage. Millet dit de la musique qu'elle est « cet autre versant du silence ».
On peut en dire autant de sa phrase qui fait le vide autour d'elle et impose un silence sans fioritures d'une qualité nocturne. L'écriture est une ascèse ; la littérature, une prière adressée aux morts. D'où l'austérité toute cistercienne de cette œuvre, une austérité qui ne s'interdit pas les fastes de la liturgie clunisienne. Une sorte de soleil noir — « cet infracassable noyau de nuit » - que l'auteur sonde, explore et décortique à l'échelle atomique. Quelque chose comme la fission nucléaire. C'est là, à ce niveau, qu'œuvre le romancier, physicien des âmes.
FRANCOIS BOUSQUET
Césaire l'insoumis ou un poète au PCF
Qu'a fait Aimé Césaire au Parti communiste ? D'une plongée de cinq
années dans les archives du PCF, en Seine-Saint-Denis, David Alliot revient avec un gros livre passionnant, "Le communisme est à l'ordre du
jour", une biographie intellectuelle et politique qui pèse son poids de révélations. Après sa mpture et sa fracassante Lettre à Maurice Thorez (1956), l'intéressé, mort à 94 ans en 2008, s'est lu-imême peu exprimé sur le sujet, trop occupé peut-être à sculpter sa propre statue « II n 'en a pratiquement pas parlé, et personne ne l'a interrogé là-dessus », indique Alliot Le livre révèle d'abord que si l'adhésion formelle du
poète martiniquais remonte à 1945, un compagnonnage avait existé dix ans plus tôt, du temps que Césaire était élève a l'Ecole normale supérieure de Paris II n'y avait alors que le PCF pour s'élever contre l'Exposition coloniale (1931) Alliot exhume notamment le questionnaire auquel le poète accepte de répondre Questionnaire qui intimait « Expliquez- vous clairement, sans phrases inutiles maîs sans omettre le moindre détail qui puisse éclairer le Parti auquel vous ne devez rien cacher»
Ode au Premier secrétaire
Elu député de Martinique en 1945, Césaire se comporte apparemment en bon stalinien jusqu'en 1954 Pour le cinquantième anniversaire du Premier secrétaire Maurice Thorez, il commet même une ode oubliable, écartée de son oeuvre complète « Voix de Maurice Thorez le contrepoison aux poisons /du mensonge la raison claire contre les possédés / la raison-tonnerre dans le ciel capitaliste tout terne / de la barbarie des seigneurs de la guerre ( ) » David Alliot émet une hypothèse Thorez était peut-être le protecteur de Césaire au PCF, car lorsque le dirigeant communiste part se faire soigner à Moscou de 1950 à 1953, le poète « disparaît des écrans radar Son nom n 'apparaît plus dans la presse communiste » Car Césaire demeure suspect aux yeux d'Aragon, le grand ordonnateur de la politique culturelle du PCF II n'a pas renié ses amitiés surréalistes (André Breton, Benjamin Péret) et récuse le réalisme socialiste qui impose le retour à la rime et au sentimentalisme poétique L'éruptif poète de Soleil cou coupé ne se soumet pas.
Poétique, le contentieux avec le PCF est avant tout politique il y a le rapport Khrouchtchev, la répression en Hongrie, les pleins pouvoirs votés à Guy Mollet pour faire la guerre en Algérie Pierre Daix a écrit, à propos d'un grand peintre « Le Parti a besoin de Picasso, Picasso n 'a pas besoin du Parti » Sentence qui, note Alliot, s'applique parfaitement
à Aimé Césaire En 1956, Césaire envoie promener le PCF et crée le Parti progressiste martiniquais Du PCF, il ne parlera plus.
CC.
David Alliot, "Le communisme est à l'ordre du jour".
Aimé Césaire et le PCF. Éditions Pierre-Guillaume de Roux. 383 pages. 26,90 €.
Détachement
C'est le constat de Caligula, le héros de la pièce de Camus: « Les hommes souffrent, et ils ne sont pas heureux. » Lui, répond à ce constat par une fuite dans la folie et le crime. Heureusement que tous ne l'imitent pas. Question de moyens, sans doute. Vous l'avez peut-être remarqué, l'impression de toute puissance va souvent de pair, chez certains membres de l'espèce, avec une propension au crime. Un peu comme le meurtrier d'Un roi sans divertissement, le chef d'ceuvre de Giono : les hommes s'ennuient, à en mourir c'est le cas de le dire, mais dès qu'on commence à faire des trous dans quelqu'un, notait Giono lui-même, cela devient beaucoup plus intéressant. On se demande souvent comment les hommes et les femmes, publics surtout, car des autres on ne parle guère, peuvent supporter les attaques répétées, les mises au pilori, les calomnies, les rumeurs, l'incroyable violence de l'exposition de leurs faits et gestes et de leur misérable petit tas de secrets. Je pense à Martine Aubry, c'est son tour cette semaine, avant que le Moloch ne saisisse une autre proie dans les jours à venir. Pas la peine de répéter les horreurs qui courent sur son compte, vous les avez entendues comme moi. Vousnoterez que je ne prends pas l'exemple de Strauss-Kahn pour ne pas énerver les féministes. Mais je pourrais évoquer le cas de gens harcelés, humiliés dans leur travail, jetés en pâture à la vindicte publique, même dans un cercle restreint. Comment y survit-on ?
Stendhal avait une réponse : SFCDT, ce qui veut dire « Se foutre carrément de tout ». Facile à dire, sans doute, quand c'est l'être tout entier qui est sur la sellette. C'est ce que je réponds quand on me demande comment je reçois les attaques, ou les insultes des imbéciles, assez inoffensives il est vrai : le détachement. Un détachement combatif et rigolard. Et une riche matière pour mes propres écrits, il vaut mieux connaître un peu l'humanité quand on fait dans la chose romanesque.
Le détachement, je viens d'en lire un traité assez étonnant que je vous recommande pour ces jours d'été. Il s'agit d'un livre d'Ariel Denis qui s'intitule, précisément, Stratégies du détachement (Éditions Pierre Guillaume de Roux). La forme en est étonnante, longue dérive dans les mondes parallèles, ceux du cinéma notamment, inépuisable pourvoyeur de mythologies, émaillée de rencontres avec un personnage surnommé « Le colonel», qui n'est autre que Julien Gracq, que l'auteur visita souvent en son refuge de Saint-Florent-le-Viel. Point tout à fait un traité du zen, ce livre de sagesse et de combat raconte, de façon échevelée, le monde et la façon de s'en déprendre. Ou comment rester intensément présent aux choses tout en apprenant à les congédier. Un petit bijou.
BERNARD FAUCONNIER
Stratégies du détachement, roman d’Ariel Denis
(Pierre-Guillaume de Roux, 2011)
Ariel le détachant
Si on cherche avant tout à se faire surprendre par la littérature plutôt qu’à lamper des gorgées de sirop fade qui donnent l’illusion de consoler, on ferait bien de diriger ses regards vers le nouveau livre d’un auteur trop négligé et partant de grande qualité, Ariel Denis qui inaugure la nouvelle maison de Pierre Guillaume de Roux que nous évoquâmes ici. On l’avouera, on avait comme un a priori favorable et les premières pages du livre l’ont confirmé, improbable et jouissive évocation d’une déroute des troupes romaines face aux barbares entrecoupée de réflexions, de courtes digressions anachroniques à la Tristram Shandy. Car il n’est pas question dans Stratégies du détachement d’histoires, de récits ou alors par bribes, réminiscences d’anecdotes autour d’un Colonel en lutte contre la société.La retraite, ce territoire de tous les impossibles et de toutes les défaites semble être l’espace géographique où se déploie le flot de paroles d’un narrateur qui manie une érudition alerte, officier de réserve d’une langue qu’il manie avec bonheur, insolence, drôlerie et cette alacrité de ceux qui n’ont plus rien à prouver, pour qui la littérature est devenu un vêtement intime que l’on dévoile avec un rien de malice. Pourquoi pense-t-on au Neveu de Wittgenstein, à ce genre de livres impossibles à raconter (d’où les errements de ce mince billet qui se voudrait avant tout laudatif) qu’on voudrait entendre lire pour en percevoir le rythme ? “Anarchiste discipliné, aventurier individualiste en uniforme”, ressemblant à l’héroïque figure de Richard Widmark, le “héros” a quitté l’Education Nationale où son héroïsme a fait long feu. Il lui reste du temps pour parcourir la toile de son écran de DVD et ses souvenirs. Mais comment parler d’un tel livre, rareté dans une production qui impose la narration ? Comment en dire ce qui demeure la qualité essentielle d’un livre, son charme ? En mettant, par exemple, à ce bref entrefilet, un point final.
http://blogs.mollat.com/litterature/2011/05/26/ariel-le-detachant/
Stratégies du détachement, roman d’Ariel Denis (Pierre-Guillaume de Roux, 2011)
Ariel Denis : Une vie envoûtée
L’art de la narration ? « Un esprit communicatif qui volontiers introduit ses lecteurs en tout lieu. » Depuis une bonne quarantaine d'années, Ariel Denis, de récits en hommages, d'essais en divagations littéraires, poursuit une œuvre improbable et incongrue, avec la discrétion patiente d'un clerc, une pudeur impénitente, un charme qui emprunte aussi bien à la pénombre des bibliothèques d'antan qu'aux herbiers maladroits des enfants. Ariel Denis a fait des variations sur Miguel Cervantès, plus récemment sur Faust et ses facettes (Soixantième). Il aime depuis toujours Robert Walser, l'Helvète trépassé dans la neige, l'Autrichien réfractaire Thomas Bernhard, l'opus intégral de P.G. Wodehouse, Julien Gracq auquel il a consacré un essai lucide (Seghers) et le latin de péplum. Fils de lieutenant, le narrateur de Stratégies du détachement est un enfant du baby-boom, hanté par les deux conflits mondiaux, qui virent l'horreur de Verdun saturée par celle d'Auschwitz, fasciné par les centurions romains qui écrasèrent les Nantuates et les Sedunes, amoureux de la grande mélodie française, de Bizet à Poulenc. Arrivé à l'âge de la retraite, cet enseignant revient, tel le Wanderer de Schubert, sur les traces de sa vie, « comme le retour des vacances de bord de mer d'autrefois ».
Manteau d'arlequin
Vingt ans durant, il s'est rendu une fois par semaine dans la même chambre d'un hôtel provincial, lisant invariablement un polar durant le trajet ferroviaire, se livrant à d'étranges et rituelles errances nocturnes. Ses seuls amis sont le singulier Colonel et sa compagne, la cantatrice 0., sa compagne. Depuis l'âge de treize ans, sa véritable passion a pour nom Richard Widmark, ce qui nous vaut une poignée de pages magnifiques sur l'acteur américain, et Le Trésor du pendu, millésime 1958. Loin d'étouffer sous les nombreuses références littéraires, musicales ou cinématographiques, souvent codées (Verlaine, Butler, Montaigne : « Mon esprit ne va, si tes jambes ne l'agitent », Rimbaud, T.S. Eliot, Peau d'âne de Jacques Demy, Zéro de conduite, le plus shakespearien des opéras : Le Couronnement de Poppée, les « nubilités surréalisantes »), le récit y gagne au contraire en luminosité, comme un kaléidoscope ou un scintillant manteau d'Arlequin. Ce que la mère du narrateur appelle des «foutraqueries pour spécialistes »
II y a plus de vingt ans, le regretté Frédéric Berthet avait salué en ces termes l'art d'Ariel Denis, à propos d'Une découverte : « Tout récit est un sortilège, tout lecteur un envoûté. A défaut d'un sens, toute existence peut avoir la netteté d'une hallucination. » C'est toujours aussi vrai. Denis se mérite. Savourons-le.
THIERRY CLERMONT
Stratégies du détachement, roman d’Ariel Denis (Pierre-Guillaume de Roux, 2011)
Stratégies du détachement d'Ariel Denis : Entre César et Gracq
Il faut bien l'avouer : on ne donnait pas cher de ce livre, qui commence sans crier gare par le récit de la retraite des troupes de César dans un défilé des Alpes. Mais cette fuite des «fucked good professional » romains est racontée sur un ton si allègre, entrecoupée d'incises incongrues sur Bambi ou le son Dolby Stéréo, que l'on se laisse emporter avec délice dans ces Stratégies du détachement. L'entrelacs des métaphores militaires nous mène bien vite vers une autre retraite, professionnelle celle-ci : notre antihéros aux faux airs de Richard Widmark - hommage appuyé au « rictus ironique » du comédien- et à l'inamovible parapluie vient de quitter l'Education nationale. Il regrette les « salades campagnardes améliorées » dévorées après les cours et investit dans un lecteur de DVD - occasion, pour notre cinéphile, d'évoquer Jacques Demy ou John Ford. Autre figure de ce livre sautillant : « le Colonel», sous les traits duquel on reconnaîtra Julien Gracq. Outre quelques romans, on doit à Ariel Denis un livre remarqué sur l'auteur d'Au château d'Argol- leur amitié lui a valu d'être convoqué par le notaire du romancier pour découvrir qu'il en héritait. On sourit en découvrant « le Colonel » égrenant ses aphorismes (« Le printemps français, cette saison surfaite »), évoquant avec une politesse qui frise sa propre caricature « Monsieur Zidane », ou prisonnier de son personnage - il ne voulait pas « être dérangé, ce qui ne l'empêchait pas de connaître la terre entière »... On passe joyeusement de la Guerre des Gaules à la guerre de Gracq, des romantiques allemands aux trottoirs de Montparnasse, charmé par une langue où il entre plus de détachement que de stratégie. Et l'on referme ce livre avec une idée en tête : replonger dans ce défilé alpin où la XIIe légion romaine bataille contre les Vératres, les Nantuates et les Sédunes...
JÉRÔME DUPUIS
Stratégies du détachement, roman d'Ariel Denis (Pierre-Guillaume de Roux 2011)