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En librairie le 5 Septembre 2013
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ISBN:
2-36371-0673
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Format:
195 x 125 mm
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Page:
173p.
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Prix:
20 €
Maurice Ronet
Jean-Pierre Montal
Mourir, Maurice Ronet (1927-1983) ne parut jamais s’en lasser. Tous les moyens furent bons pour l’inoubliable interprète de Feu Follet. Mais Alain Delon eut beau le poignarder dans Plein soleil, le noyer dans La Piscine, Ronet eut tout de même le temps de crever l’écran. De Becker à Chabrol en passant par Louis Malle, Astruc et Lautner, Maurice Ronet ne cessera de cultiver un style unique, subtil alliage d’angoisse, de séduction et d’élégance. Que pouvait bien dissimuler ce visage inquiet ? Et cette voix blanche, lessivée ?...
Jean-Pierre Montal a interrogé les complices et les proches. Ce portrait-enquête d’un prodige du cinéma français des Trente Glorieuses, dévoile, sur fond de flashes-back et de dialogues à bâtons rompus avec les survivants, une œuvre au noir inédite, habitée par la mémoire, le goût de l’étrange et l’esprit d’aventure.
Jean-Pierre Montal, co-fondateur des éditions Rue Fromentin, signe, ici, son premier essai.
Diffusion CDE/SODIS.
Huffington Post
Lectures cinéphiles : de Maurice Ronet à Paul Gégauff
Le Figaro et vous
L'homme de l'ombre
Spectacle du Monde
Maurice Ronet, comédien épris d'absolu
Blog Morlino
Ronet dans toute sa splendeur
Le Quotidien du médecin
Maurice Ronet le désenchanté
Le Figaro littéraire
Le Feu follet brille encore
L'Opinion indépendante
Maurice Ronet, feu follet du cinéma
Lectures cinéphiles : de Maurice Ronet à Paul Gégauff
Les amoureux du cinéma français des années 60 et 70 (ou de Claude Chabrol) connaissent probablement Maurice Ronet et Paul Gégauff. Deux livres à la frontière de la biographie, édités par Pierre-Guillaume de Roux, leurs sont justement consacrés... et sont à lire de toute urgence!
Maurice Ronet est probablement le plus connu des deux. Inoubliable dans Le Feu Follet et Ascenseur pour l'échafaud (tous deux signés Louis Malle) ou Plein soleil (René Clément), il a également promené son regard séducteur et angoissé ou son sourire insolent chez Claude Chabrol (La femme infidèle). Durant sa carrière, il a alterné le meilleur (nous pourrions ajouter à la liste Rendez-vous de juillet, Raphaël ou le débauché et quelques autres) avec le pire ( que nous préférons taire... même s'il y a l'embarras du choix!), le tout avec un certain goût du risque comme en témoigne sa courte carrière de metteur en scène (de l'inadaptable Bartelby, d'après Herman Melville à ses documentaires sur les dragons de Komodo ou sur la guerre de décolonisation tardive au Mozambique).
De son côté, Paul Gégauff, peut-être moins connu du grand public, est probablement associé par tous les cinéphiles à Claude Chabrol, pour qui il a écrit quelques scénarios exemplaires (Les cousins, Le scandale, Les biches, Que la bête meure... pour ne citer qu'eux). Cette association ne doit cependant pas faire oublier qu'il a collaboré avec d'autres cinéastes majeurs (Rohmer, Duvivier, Schroeder, mais également Vadim ou Godard, chez qui il a fait des apparitions!) et qu'il fut également l'auteur de quatre romans publiés aux éditions de Minuit.
Les deux hommes se connaissaient, s'appréciaient, sont morts la même année... et font maintenant l'objet de deux biographies qui n'en sont pas vraiment.
Le premier livre, le plus proche de la biographie traditionnelle, est consacré à l'acteur (Maurice Ronet. Les vies du feu follet, par Jean-Pierre Montal, disponible au Québec début octobre 2013).
L'auteur nous y propose une sorte de portrait-enquête en s'appuyant sur ses entretiens avec ceux qui ont côtoyé Ronet (Anouk Aimée, Jean-Charles Tacchella, Alexandre Astruc, Rémo Forlani, parmi tant d'autres), complété par un "panthéon subjectif" qui confirme le caractère non objectif de l'ouvrage. Sur les 96 films interprétés par Maurice Ronet, Jean-Pierre Montal en a retenu dix-sept qu'il commente brièvement de manière aussi personnelle que pertinente. Le résultat, grâce à une écriture rigoureuse et à une admiration assumée pour Maurice Ronet, prend moins des allures de biographie classique que de vrai hommage à la mémoire de l'acteur... mais il s'acquitte parfaitement de cette tâche!
Le second, encore plus inclassable (à la fois fausse biographie, journal intime d'un auteur fasciné par son sujet et bel exercice littéraire) est consacré au scénariste (Une âme damnée. Paul Gégauff, par Arnaud Le Guern, déjà disponible). La personnalité de Gégauff, son mode de vie (amateur de vie nocturne et de parties fines) et sa fin tragique (tué d'un coup de couteau par sa jeune épouse un soir de Noël) auraient pu permettre à Arnaud Le Guern de remplir son ouvrage d'anecdotes croustillantes. Ce n'est fort heureusement pas le cas et l'auteur a préféré inclure dans son livre des passages plus intimes pour le transformer en voyage mental et personnel en Gégauffie. Le résultat, d'une qualité exemplaire, se laisse dévorer avec un plaisir constant jusqu'à ces derniers mots: "Dolce vita, définitivement, pas morte."
Les deux livres nous sont proposés par le même éditeur, Pierre-Guillaume de Roux. Leurs qualités respectives nous donnent envie d'espérer qu'il aura la bonne idée de continuer de nous proposer ce genre de biographies... qui n'en sont pas vraiment, mais qui sont grandement appréciables!
JEAN-MARIE LANLO
Les vies du feu follet. Maurice Ronet; Jean-Pierre Montal; éditions Pierre-Guillaume de Roux; 176 pages; disponible au Québec début Octobre.
L'homme de l'ombre
Dimanche, Plein Soleil sur Arte
Devant la caméra de René Clément,
deux apollons Alain Delon,
Maurice Ronet Le premier,
qui lui a volé le rôle phare, va tuer
l'autre « Deux trous du cul ' », commentera
après le tournage Marie Laforêt
On ne se méfie jamais assez des filles aux
yeux d'or En 1969, les deux sphinx se retrouvent
dans La Piscine de Jacques Deray,
aux côtés de Romy Schneider et de
Jane Birkin Ronet coule encore II meurt
en 1983 Trente ans plus tard, deux biographies
le font revivre l'une, sentimentale,
raconte Les Vies du feufollet (i), film
de Louis Malle qui lui va comme une balle
à un revolver , l'autre dresse le portrait
d'un « splendide désenchanté » (2) dont le
regard annonce une nuit blanche
A l'image de ces acteurs citoyens qui
voudraient nous faire croire qu'ils vivent
comme tout le monde, Ronet n'a jamais
voulu ressembler à quiconque II détestait
l'ordinaire les touristes, les marxistes,
les hommes en short II préférait faire
tourner la tête des filles Et pas
n'importe lesquelles Anouk Aimé, Anna
Karina , peut-être même Ava Gardner,
croisée, si on l'en croit, dans une suite du
Ritz à Madrid
II n'était pas vraiment de gauche , ça
nous change II fréquentait Nimier, Blondin,
assista en 1972 à une messe en mémoire
de Robert Le Vigan Sa consommation
d'alcool dépassait le niveau autorisé ,
sa vitesse aussi II pilotait une Jaguar, une
Lancia, une Lamborghini II donnait
l'impression d'être poursuivi, ce n'était
que par lui-même On ne sème jamais
son ombre Avec le temps, celle-ci prit de
plus en plus d'importance II déserta les
plateaux On le vit derrière la caméra Sa
dernière aventure, bien réelle, le conduisit
jusqu'au Mozambique En le voyant si
élégant au milieu d'une guerre dont l’in
dépendance ne compromit pas la sienne,
son compagnon d'épopée, Dominique de
Roux, crut qu'il sortait de chez Castel.
BERNARD DE SAINT VINCENT
Maurice Ronet – Les vies du feu follet, de Jean-Pierre Montal (Pierre-Guillaume de Roux, 2013)
Maurice Ronet, comédien épris d'absolu
Disparu il y a trente ans, Maurice Ronet fut un acteur (et un réalisateur) rare, séduisant, tourmenté, mystique et tragique.Deux ouvrages saluent la mémoire de ce feu follet qui a pris trop tôt l'ascenseur pour l’échafaud
Maurice Ronet a fait l'expérience intuitive de la mort durant toute sa vie. Ayant intériorisé, dès son plus jeune âge, la philosophie tragique esthétique de Schopenhauer (au point de vouloir lui consacrer un ouvrage), il traversa l'existence comme une épreuve du feu, brûlante et incendiaire. Une existence que relatent, aujourd'hui, deux livres publiés à l'occasion du trentième anniversaire de la disparition de l’acteur : une biographie classique et exhaustive, Maurice Ronet le splendide désenchanté, de José Alain Fralon, et un essai biographique plus intimiste, profond et empreint d'empathie Maurice Ronet, les vies du feu follet, de Jean-Pierre Montal, qui, à travers un portrait intellectuel et spirituel de Ronet, cerne au plus près son être et sa vision du monde. Jean-Pierre Montal rapporte ce témoignage du comédien Maxence Mailfort : « Maurice m'a souvent parlé de religion, de sacré. Plus exactement d’éblouissements mystiques dans l’église de Saint- Sulpice [ ] Une inclination confirmée par son défunt ami, le poète et mystagogue Jean Parvulesco, qui confia, un jour « Ce qui l'intéressait chez moi c’était mes connaissances spéciales disons ésotériques Et lui avait une connaissance intime, vécue, de son aventure mystique, (pas) uniquement intellectuelle » Ronet, précisait Parvulesco, « voulait trouver le joint entre le catholicisme ésotérique et le mithraïsme parce que c’était finalement une opération de salut, de délivrance totale obtenue par un sacrifice de sang. Le Christ avait établi son royaume et sa doctrine à travers son sacrifice de sang. Le mithraïsme, par le sacrifice de sang, reproduit ce processus. »
Ces moments salvateurs de croyance en Dieu furent, cependant, toujours très fragiles. Et le désespoir, sur fond d’alcool, finit par l'emporter. Appartenant — selon sa propre expression — à une génération sacrifiée > — celle qui avait dix-huit ans à la fin de la Seconde Guerre mondiale —, Maurice Ronet rêvait néanmoins de grandeur éthique et d'aventure politique. Mais la réalité de l’époque ne correspondait plus à ses aspirations. A la guerre et à ses rudesses avait succédé une paix douce et émolliente, placée sous l'horizon de la marchandise et de la consommation. D'où un mal de vivre engendré par un monde moderne partant à la dérive, en proie à un effrayant vide spirituel Au lendemain de la mort de l'acteur, François Chalais rapportait, dans le Figaro Magazine, ces propos tenus par celui-ci en 1969 « Mon ambition est d'être quelqu'un, pas quelque chose Pas commode A mon âge les hommes sont tous P DG, ou anciens combattants Quant à la jeunesse elle ne sait plus que se réfugier dans la drogue ou dans le dynamisme à reculons Je ne suis plus dans le coup Et mes amis sont déjà morts »
Ce désespoir est contenu en germe dans Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle (1957), d’après un scénario de Roger Nimier Le titre du film est bien évidemment une métaphore de l'existence Une noirceur profonde qui atteindra son son paroxysme dans le Feu follet (1963) du même metteur en scène, d’après le roman de Pierre Drieu La Rochelle Un pur chef-d’œuvre, qui se termine par le suicide du personnage principal, Alain Leroy Inspiré tout à la fois de l'écrivain surréaliste Jacques Rigaut et de Drieu lui-même, celui-ci a trouvé en Ronet l'interprète idoine Fusionnant littéralement avec Leroy, l'acteur signe là, en effet, une prestation magistrale Ce rôle, sans doute le plus fort et le plus emblématique de sa personnalité et de sa carrière, lui collera définitivement à la peau Lui-même en perdition, Maurice Ronet s’est toujours senti solidaire des causes perdues, cultivant le sens de l’honneur et de la fidélité Ainsi osa-t-il prendre parti en faveur des épures de 1945 (Alexandre Astruc a confié à l’auteur de ces lignes — le 12 mars 2013 sur Radio Courtoisie — que Maurice Ronet lui faisait écouter les Poèmes de Fresnes de Robert Brasillach, lus par Pierre Fresnay, et que cette lecture « lui arrachait des larmes aux yeux ») et des rescapés de l’OAS Considérant que la vérité et la liberté se paient toujours très chers (à l'écran comme à la ville), il fît un jour cette observation « [ ] Dans mes compositions, c'est au moment où je commence à dire la vérité qu’on me bousille On punit toujours le héros que je représente, dans sa clairvoyance son cynisme, sa lucidité […] j’ai souvent incarné celui qui jette un défi à la morale, à la vie Et ce personnage-là n’a pas sa place Alors, il faut le "flinguer" »
En 1973, Maurice Ronet part avec son ami l'écrivain et éditeur Dominique de Roux tourner un reportage pour la télévision sur la guerre menée par le Portugal au Mozambique Appel de l'aventure, défense à contre-courant, pour l'honneur, d'un des derniers lambeaux d'empire européen en Afrique Les deux hommes prennent des risques insensés et échappent de peu à la mort La même année, Ronet porte à l'écran Vers l'île des dragons, un documentaire allégorique, à la fois cosmogonique et eschatologique sur les lézards géants du Komodo, en Indonésie • « C'est une chronique sur la terre, l'eau, le feu et sur ces monstres qui n'existent que là, qui sont (de très loin) nos ancêtres, explique-t-il alors [ ] II s'agit d'animaux qui sont à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de nous-mêmes, et puis ils étaient là bien avant nous et ils seront là bien après nous C'est un peu un pèlerinage aux sources, ou un voyage en enfer, ou un film sur le début ou sur la fin du monde » Trois ans plus tard, le metteur en scène réalisse Bartleby (1976), un drame intimiste d'après la nouvelle éponyme d'Hermann Melville, avec Michael Lonsdale et Maxence Mailfort II s'agit du récit d'un homme désespéré se conduisant comme un somnambule Un mort en sursis, prostré dans une armure invisible, hermétique aux autres hommes, médiocres et parfois haineux à son endroit. Un seul l'aide comme il peut Mais cela ne suffit pas Un voyage au bout de la nuit que Ronet filme sous l'influence littéraire décisive de Louis Ferdinand Céline Bouleversant et sans concession L'existence tragique et nue. . Maurice Ronet est mort d'un cancer le 14 mars 1983, à l'âge de cinquante-cinq ans, en homme de l'ancienne France et de la vieille Europe. Son projet d'adaptation télévisée de Semmelweis, de Céline, n'a pu voir le jour II nous reste, heureusement, ses films, à voir et à revoir, dans lesquels cet acteur authentique ne jouait pas la comédie.
ARNAUD GUYOT-JEANNIN
Maurice Ronet – Les vies du feu follet, de Jean-Pierre Montal (Pierre-Guillaume de Roux, 2013)
Ronet dans toute sa splendeur
Cet ouvrage est né de la fidélité. Fidélité à sa jeunesse : l’auteur a été très tôt happé par le talent de l’acteur. Et fidélité à son père : l’éditeur Pierre-Guillaume de Roux est le fils de Dominique de Roux, fondateur des Cahiers de l’Herne et ami de Maurice Ronet. De nos jours, la fidélité est associé à la ringardise par ceux qui la malmène à des fins carriéristes. Acteur reconnu, Maurice Ronet voulait aussi être peintre et cinéaste. Les acteurs ne sont souvent que de la matière pour metteurs en scène qui ont toujours le dernier mot. Par sa naissance, Maurice Ronet est Niçois mais Nice ne fut qu’un lieu de naissance, rien de plus. Ces parents, eux aussi comédiens, étaient sur la Côte d’Azur de passage quand leur fils est né le 13 avril 1927.
Maurice Ronet est un hussard du grand écran, d’ailleurs il était très ami avec Roger Nimier. Hussard cela veut dire, marcher droit, tête haute et ne jamais vendre son âme. Plutôt crever. Ronet avait tout pour devenir un des acteurs les plus célèbres de France mais il n’a pas pipoliser sa vie comme Alain Delon ou Belmondo. On a connu toutes les aventures de Delon et Belmondo mais qui peut citer le nom d’une compagne de Ronet, entre autres Joséphine Chaplin qui lui a donné un fils ? Pour devenir une icône, il faut accepter de faire tomber les murs de son intimité.
Maurice Ronet avait d’autres ambitions, par exemple de tourner des films derrière la caméra. Il en tourna trois, mais en France on ne peut pas faire les deux, c’est mal vu. N’empêche Maurice Ronet avait quelque chose à dire, notamment dans Bartleby d’après H. Merville, où il est question d’un écrivain qui reste dans l’ombre. Comme les cinéastes le faisaient souvent mourir dans leur film, il a voulu tourner un film qu’il maîtrisa de bout en bout.Très cultivé, Maurice Ronet tranche avec son milieu : les acteurs lisent surtout le scénario du film qu’ils vont tourner. Bourreau de travail, Maurice Ronet a tourné dans plus de 80 films dont plusieurs films mythiques dont Le Feu Follet, de Louis Malle d’après le roman de Drieu la Rochelle. Dans ce film, il crève l’écran. La voix de Ronet, son regard, sa bouche, sa démarche sont mémorisés dans notre esprit. Dans ce chef d’œuvre, on voit bien son rêve de devenir adulte. On voulait être son ami tant il nous touchait dans ses rôles. Face à Delon, on percevait autant Ronet que Delon, tout comme le face à face Gabin-Bernard Blier faisait voir les deux autres géants sans que l’un dominât l’autre.
Le jour de sa mort, le 14 mars 1983, tous les cinéphiles ont été tristes très tristes de perdre un membre de leur famille des salles obscures. On n’a pas oublié Ronet comme on n’a pas oublié Jean Bouise. Il appartient au cénacle des comédiens qui n’ont jamais raconté n’importe quoi pour exister. Ils ne sont pas si nombreux. Ses rôles ont été liés «à la guerre, à la collaboration, au passé trouble» écrit son biographe qui le connaît par cœur. Merci à lui de nous restituer Ronet dans toute sa splendeur.
BERNARD MORLINO
Maurice Ronet – Les vies du feu follet, de Jean-Pierre Montal (Pierre-Guillaume de Roux, 2013)
Maurice Ronet le désenchanté
IL Y À TRENTE ANS, l'acteur de « Feu follet » mourait d'un cancer, à 55 ans. Après une vie menée à 100 à l'heure, assure le journaliste José-Alain Fralon, qui reconstitue, dans « Maurice Ronet, le splendide désenchanté» (Éditions des Équateurs, 256 p., 19 euros), la vie « mystérieuse et disloquée » de ce surdoué. Ses 83 films, ses amis, ses amours, ses choix, ce sont 40 ans de cinéma et d'un peu d'histoire de France (son adolescence pendant la guerre, ses relations ambiguës avec l'extrême-droite) qui défilent, avec des ouvertures lointaines comme le Mozambique ou l'Indonésie.
Un parcours accidenté qui a aussi inspire une autre biographie, « Maurice Ronet - Les Vies du feu follet », signée Jean-Rerre Montal, un « portrait-enquête (qui) dévoile, sur fond de flash-back et de dialogues à bâtons rompus avec les survivants, une œuvre au noir inédite, habitée par fa mémoire, le goût de l'étrange et l'esprit d'aventure » (Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 173 p., 20 euros).
Pour redécouvrir ce comédien inclassable, le cinéma Le Champo (www.lechampo.com), à Paris, propose du 2 au 22 octobre une rétrospective en 19 films et des soirées-rencontres suivies d'une signature. « Ascenseur pour l'échafaud », « Plein Soleil », « la Piscine », « Raphaël ou le débauché » (en présence de Nina Companeez et Françoise Fabian) sont notamment au programme, tout comme « Rendez-vous de juillet » (en avant-première le 1er octobre, en présence de Brigitte Auber), qui lui donna son premier vrai rôle, en 1949, et « Bartleby » (en présence de Michael Lonsdale et Maxence Mailfort), qu'il réalisa en 1976.
R.C
Maurice Ronet – Les vies du feu follet, de Jean-Pierre Montal (Pierre-Guillaume de Roux, 2013)
Le Feu follet brille encore
FAIRE ses débuts en littérature avec un exercice d'admiration est souvent l'une des voies qu'ernpruntent les âmes pudiques.
On s'adresse à un intercesseur pour ne pas tout à fait baisser sa garde En témoigne l'essai que Jean-Pierre Montal, cofondateur des Editions Rue Fromentin, consacre à Maurice Ronet en retrouvant chez lui « l'ami d'enfance désormais absent, avec lequel on savourait l'un des plus grands plaisirs de l'existence, long en bouche et sur le fruit emmerder le reste du monde avec une mauvaise foi blindée par les années et la complicité ».. « Finalement, cette passion pour Maurice Ronet a résisté aux boulots salariés, au cholestérol, aux divorces, aux accidents de voiture, aux brouilles, à l'organisation des prochaines vacances, aux enterrements bref aux tracas de l'âge adulte », poursuit-il dans ce livre à la fois vagabond et précis, sorte de promenade le long d'un chemin ou l'on croise écrivains, cinéastes, acteurs en rupture avec une normalité émolliente et les contingences de la vie sociale Roger Nimier, Antoine Blondin, Alexandre Astruc, Dominique de Roux, Jean Parvulesco ou Paul Gégauff apparaissent ainsi au gré d'un portrait retraçant la carrière et la vie du comédien, mais aussi ses ombres, ses failles, ses lignes de fuite au Mozambique ou en Indonésie à la recherche des « dragons» de Komodo…
« Cette voix blanche et émouvante»
L'interprète d'Ascenseur pour l'échafaud, du Feu follet, de Plein soleil et de La Piscine revit – lui qui avait fait profession de mourir à l'écran avant de s'éteindre pour de bon en 1983 - sous la plume de Jean-Pierre Montal, qui restitue parfaitement, entre passion cinéphile et confession intime, « son style à l'écran une froideur inquiète, un iceberg qui frissonne », « cette voix blanche et émouvante » Nul besoin cependant d'être un spécialiste du cinéma pour apprécier cet hommage à un acteur degrande classe et, à travers lui, aux irréguliers qui rendent le quotidien moins fade Le feu follet brille encore En témoigne aussi le livre, plus classique et plus exhaustif, que vient de signer José-Alain Fralon •
CHRISTIAN AUTHIER
Maurice Ronet – Les vies du feu follet, de Jean-Pierre Montal (Pierre-Guillaume de Roux, 2013)
Rôle-clé
LES ACTEURS SONT DES PASSE-MURAILLES ils habitent l’enveloppe d’un personnage puis le délaissent pour un autre rôle mais leur incarnation reste fixée sur la pellicule ou dans les mémoires Quand ils meurent partent-ils vraiment ? Jean-Luc Godard dit que tout film est un reportage sur ce film Les acteurs offrent un moment de leur vie à un metteur en scène qui les rend parfois mémorables « La Bête humaine » est un reportage sur Jean Gabin en 1938 « Belle de jour » un reportage sur Catherine Deneuve en 1967. Je songeais en lisant le très joli essai biographique que Jean Pierre Montal consacre à Maurice Ronet disparu en 1983 à l’âge de cinquante-six ans Cet acteur afficha toujours le détachement inquiet d’un dandy qui va être flingué II finit d’ailleurs poignardé dans « Plein Soleil » et noyé dans « la Piscine » à chaque fois par Alain Delon Son ami Louis Malle lui promit la guillotine avec Ascenseur pour l’échafaud puis en fit un suicidé dans « le Feu follet » Frotté d’ésotérisme portant à droite agrégé d’angoisse et de petits matins Maurice Ronet concédait à l’écran des séquences de son romanesque privé Mais la vraie vie était ailleurs dans les livres beaucoup, dans la compagnie des femmes sûrement On le vit avec Maria Pacôme et Anouk Aimée, Anna Karina et Joséphine Chaplin II aimait à dire : « On est toujours connu pour de mauvaises raisons » Ce pourrait être un requiem pour cette pièce de théâtre qu’est toute vie humaine.
MARC LAMBRON
Maurice Ronet – Les vies du feu follet, de Jean-Pierre Montal (Pierre-Guillaume de Roux, 2013)
Pleins feux
Rarement comédien aura autant « collé » à ses rôles dans Ascenseur pour l’échafaud et Le Feu follet, Maurice Ronet semble avant tout interpréter le rôle de Maurice Ronet, mélange de froideur inquiète et d'insondable mélancolie. Trente ans après sa mort, il était temps de rendre hommage à cet acteur mystérieux qui partagea la vedette de Plein Soleil avec Alain Delon. Jean-Pierre Montal s'en acquitte avec délicatesse dans un petit livre inspiré.
Fils de comédien, élève de Bernard Blier, ayant fait ses débuts sous la direction du talentueux Jacques Becker, grand séducteur – Anouk Aimée, Anna Karma, Joséphine Chaplin -, Maurice Ronet (1927-1983) a toujours traîné une double réputation : homme de droite et fêtard. A raison. Ce jumeau de Roger Nimier partira même au Mozambique, avec Dominique de Roux, se livrer à un simulacre de contre-guérilla. Pilier de chez Castel, il est aussi capable, en pleine gloire, de filer en Indonésie tourner un documentaire sur les varans de Komodo.
Dans les années 1970, alors que Belmondo et Delon deviennent des superstars, l'ancien jeune premier Ronet s'enlise dans des projets d’adaptations littéraires - Bartleby, Semmelweis (d'après Céline) et disparaît des radars du cinéma français. Pourquoi n'a-t-il jamais tourné avec Melville ou Sautet ? s'interroge à juste titre Jean-Pierre Montal. Peut-être parce que ce feu follet avait en tête cette phrase qu'il aimait répéter : « On a toujours peur de la réussite, jamais de l'échec »
JEROME DUPUIS
Maurice Ronet, feu follet du cinéma
Jean-Pierre Montal publie un essai vibrant sur l’interprète d’Ascenseur pour l’échafaud et du Feu follet.
Mourir à l’écran était l’une de ses spécialités, Louis Malle lui a offert le premier rôle d’Ascenseur pour l’échafaud et du Feu follet d’après le roman de Drieu, il a partagé avec Alain Delon l’affiche de Plein soleil de René Clément et de La Piscine de Jacques Deray, son apparition dans La Femme infidèle de Claude Chabrol reste inoubliable ainsi que sa composition dansRaphaël le débauché de Michel Deville. Mais Maurice Ronet (1927-1983), c’est beaucoup plus qu’un acteur, beaucoup plus que le cinéma. Il ne fut pas à proprement parler une «vedette», plutôt une présence pour happy few se reconnaissant dans «son style à l’écran : une froideur inquiète, un iceberg qui frissonne».
Jean-Pierre Montal, cofondateur des excellentes éditions Rue Fromentin, se souvient des premières images de Ronet vues enfant à la télévision et surtout de son coup de foudre pour l’acteur, quelques années plus tard, lors de la vision du Feu follet : «Dès les premières secondes du film, Ronet me montra la direction du bercail. Ce visage, cette voix blanche et émouvante… c’était la maison. Tout recommençait (…) Depuis, Maurice Ronet ne m’a jamais quitté. J’ai emmené des filles voir Le Feu follet en guise de test. J’ai prétexté des grippes pour ne pas manquer une énième rediffusion de La Piscine
Lettre à un ami perdu
Si cet essai comporte sa part de confession et d’autoportrait à la façon d’Eric Neuhoff qui évoquait également l’acteur dans Les Insoumis, l’auteur ne perd cependant jamais son sujet de vue. Il évoque bien sûr ses films, ses amours, sa vie, son goût de la nuit, ses amis… On croise Roger Nimier (outre Ascenseur dont l’écrivain signa les dialogues, Ronet tourna dans Les Grandes Personnes de Jean Valère adapté d’Histoire d’un amour) qui lui dit un jour «J’écrivais pour vous depuis longtemps, sans le savoir» (Drieu aurait pu dire la même chose), Antoine Blondin, Paul Gégauff, l’écrivain et éditeur Dominique de Roux avec lequel il se rendra au Mozambique alors en lutte pour l’indépendance… En 1973, Ronet part sur l’île de Komodo, en Indonésie, filmer les plus grands lézards du monde. Il en tirera un livre et un téléfilm. Cet homme tenté par l’aventure, cultivant «le dégoût du troupeau, de la revendication collective et du slogan», ne faisait pas le même métier que Philippe Torreton. On comprend que les plans de carrière ne l’encombraient pas, ce qui ne l’empêcha pas de tourner dans plus de quatre-vingt-dix films dont nombre de navets.
Jean-Pierre Montal est allé à la rencontre de ceux qui l’avaient connu (Alexandre Astruc, Jean Parvulesco, Jean-Charles Tacchella, Nadine Trintignant, Remo Forlani…), non pour recueillir des faits, «mais des souvenirs» précise-t-il. Son beau livre tient à la fois de l’exercice d’admiration, de l’hommage et de la lettre à un ami perdu : «l’ami d’enfance désormais absent, avec lequel on savourait l’un des plus grands plaisirs de l’existence, long en bouche et sur le fruit : emmerder le reste du monde avec une mauvaise foi blindée par les années et la complicité. Finalement, cette passion pour Maurice Ronet a résisté aux boulots salariés, au cholestérol, aux divorces, aux accidents de voiture, aux brouilles, à l’organisation des prochaines vacances, aux enterrements… bref aux tracas de l’âge adulte.»
CHRISTIAN AUTHIER
Maurice Ronet – Les Vies du feu follet, de Jean-Pierre Montal (Pierre-Guillaume de Roux, 2013)