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Richard Millet
Ecrivain et éditeur, Richard Millet est notamment l’auteur de L’Enfer du roman, Tarnac, La Confession négative, Ma vie parmi les ombres, Lauve le pur , La Gloire des Pythre ou Le Sentiment de la langue.
Diffusion : CDE/SODIS.
En librairie le 25 Septembre 2014
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ISBN:
2-36371-0475
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Format:
125 x 195 mm
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Page:
128p.
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Prix:
17.9 €
Le corps politique de Gérard Depardieu
« La plupart des acteurs et des metteurs en scène aujourd’hui n’ont rien vécu ; ils ne connaissent même pas Gilles de Rais [...]. Il n’y a plus de culture, merde. C’est pour ça que vous avez le cinéma qui vous ressemble. Et surtout les acteurs, qui sont vides de tout. Merde alors, un peu de tenue ! » Gérard Depardieu
Depardieu, c’est l’ultime monstre sacré, sur qui la politique n’a pas de prise. L’acteur au corps rabelaisien, pétant et éructant à la face du monde, qui a refusé d’être enterré vivant dans la masse informe. Passé à l’Est, à jamais « hors champ » pour les gardes rouges du Culturel, lui seul aura su résister à l’américanisation du modèle français. Longtemps « migrant de l’intérieur », Depardieu demeure ainsi l’homme du scandale autant que de la grâce qui, mieux que personne, aura su rendre à l’esprit français les accents de la vérité. Là où la tentation du sublime, la dérision grandissante et l’enlisement dans le banal font le lit de la décadence.
Par Richard Millet, romancier et essayiste, à qui l’on doit quelques chefs-d’œuvre de la littérature contemporaine dont Ma vie parmi les ombres, Trois légendes ou L’Être bœuf.
Diffusion CDE/SODIS.
Le Figaro
Le Corps politique de Gérard Depardieu de Richard Millet
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Le Corps politique de Gérard Depardieu de Richard Millet
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Le Corps politique de Gérard Depardieu
Eléments
Le Corps politique de Gérard Depardieu de Richard Millet
Service littéraire
Le Corps politique de Gérard Depardieu
Valeurs actuelles
Le Corps politique de Gérard Depardieu de Richard Millet
Librairie Contretemps
Signature à la librairie Contretemps le 9 octobre dès 18h30
Le Point
Le Corps de l'Etat-nation
La République des livres
Richard Millet sous le soleil de Depardieu
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Sur le blog de Bernard Morlino
Le Point
Depardieu le corps du délit
Le Figaro littéraire
Depardieu vu par Richard Millet
L'Express
Richard Millet dans la peau de Depardieu
Chronicart
Richard Millet l'intempestif
Le Corps politique de Gérard Depardieu
Ecoutez Richard Millet sur France Info dans l'émission Le Livre du jour de Philippe Vallet :
http://www.franceinfo.fr/emission/le-livre-du-jour/2014-2015/richard-millet-le-corps-politique-de-ge...
Signature à la librairie Contretemps le 9 octobre dès 18h30
Rendez-vous autour de Richard Millet
et de son dernier essai paru aux éditions Pierre-Guillaume de Roux
Le Corps politique de Gérard Depardieu
à la librairie Contretemps dirigée par Xavier de Marchis
le 9 octobre de 18h30 à 20h30
au 41, rue Cler - 75007 Paris.
tel : 01 45 55 66 05.
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Le Corps de l'Etat-nation
Depardieu incarnant la France à travers son corps « éructant, pétant, huùant, vomissant, et riant aux éclats » ? C’est la thèse de Richard Millet qui, après son controversé « Eloge littérire d’Anders Breivik », rend hommage au « Corps poliitique de Gérard Depardieu ». Pour l’écrivain, le très rabelaisien acteur d’ «Astérix » reste, en dépit d’une récente naturalisation russe, éminemment français, l’un des derniers résistants à une américanisation généralisée. « Le corps de >Depardieu est (…) un argument de poids en faveur de l’Etat-nation, mais sur un mode ironique ou désespéré, pour ne pas dire dérisoire. »
THOMAS MAHLER
Le Corps politique de Gérard Depardieu, de Richard Millet (Pierre-Guillaume de Roux, 2014)
Richard Millet sous le soleil de Depardieu
Voilà encore un livre dont ils ne sauront pas que faire. « Ils », entendez les critiques, les medias, l’opinion. Il est vrai que depuis « l’affaire », ils se repassent les pamphlets de Richard Millet comme une patate chaude, en se disant qu’il faudra bien en parler si d’autres en parlent sur le mode incorrect, voire scandaleux, car il sent toujours le souffre, mais qu’en attendant il serait plus prudent de s’en abstenir. D’autant qu’il enfonce le clou avec Le corps politique de Gérard Depardieu (120 pages, 17,90 euros, Pierre-Guillaume de Roux).
De quoi s’agit-il ? De la France et des Français, ce qui n’est pas rien. De la décadence dans laquelle ils s’avachissent. De la veulerie nationale. De leur médiocre renoncement au génie de la langue française. De leur lâche résignation face au tout-culturel, au multiculturalisme, au communautarisme, à la haine de soi nationale, au laïcisme ludique, au droit du sol, au reniement, à l’universalisme, au métissage général, à l’apologie démocratique du Bien, au culte de la jeunesse, au droitdel’hommisme, à la doxa de la sous-culture américaine envahissants, à la disneylandisation de l’héritage chrétien par les lieux de mémoire. Air connu. Sauf que Millet est un écrivain, un vrai, avec ce qu’il faut de mégalomanie et de paranoïa, mais un peu plus que les autres, un qui croit encore en la littérature. Cet air désormais familier, il le joue cette fois sur un mode moins excessif, moins violent, moins apocalyptique, donc plus crédible que dans ses précédents livres, ce qui ne le rendra pas plus audible de ce ceux qui ne veulent pas entendre, car il n’est pas moins radical. Il ne renonce pas à ses excès non dans l’expression, plus mesurée, mais dans l’hypertrophie des évocations. Tout sous sa plume conduit à constater la décadence de nos sociétés. Même le physique de François Hollande, son « insigne laideur, son insignifiance politique, son inculture littéraire » (il semble que le président ne soit pas son cousin). Les auteurs cités en épigraphe donnent le la : le prophète Isaïe qui dénonça le relâchement des mœurs de ses contemporains, le Céline du Voyage et Léon Bloy en son Journal. Il a le goût des formules :
« Le culturel comme la maladie sénile de la petite-bourgeoisie ». Ou bien : « La Vie d’Adèle, pieuse réalisation d’un tâcheron tunisien ».
Son constat est amer : la France littéraire est morte. L’art contemporain, plus spectaculaire et plus marchand, a pris sa place. Mais comment passe-t-il de ce constat de décès à la grandeur et illustration de Gérard Depardieu ? Par le surnaturel chrétien. Certes, l’acteur a bien lu Saint-Augustin à haute voix en différentes chaires, il en a même parlé avec le Saint-Père, et il fut un inoubliable abbé Donissan dans le grand film de Pialat d’après Bernanos Sous le soleil de Satan, certes, mais la transition ne serait-elle pas abrupte ?Depardieu, c’est la France. Sa plus parfaite incarnation dans toutes ses imperfections. Pas plus français que le meilleur acteur de ce pays. Mais là on s’attend à ce qui le compare à Gabin, il trace une analogie avec Michel Simon dans la catégorie culcute « Monstres sacrés », bien que l’un ait réussi son Boudu que l’autre a raté. Ce qui est plutôt bien vu. Il en fait la métaphore de la France qui résiste :« Le seul Français non réductible au devenir yankee du monde, à l’indifférenciation générale, à l’anonyme douleur de l’individu ».
Pas plus politique que Depardieu. Il n’est pas jusqu’au fameux pétomane qu’il ne glorifie en lui, flattant ses flatulences comme un permanent pied-de-nez à l’establishment, l’ogre rabelaisien lui pétant à la gueule « en barytonant ». Toute sa filmographie est passée au peigne fin, analysée, examinée, soupesée, l’auteur faisant grand cas de la dimension subversive, radicale même des films de Bertrand Blier, à commencer bien sûr par Les Valseuses mais sans négliger Buffet froid, Préparez vos mouchoirs, Tenue de soirée, Trop belle pour toi.
On doute qu’il ait jamais rencontré Depardieu. Son analyse du bonhomme phénoménal est juste, bien vue et on imagine que l’intéressé, malin comme il n’est pas permis, s’en délectera car il se sentira pour une fois compris. Mais outre sa haine viscérale de la bourgeoisie, sur laquelle il aurait dû insister, il y a le paradoxe sur le comédien. Inutile de se croire son Diderot pour s’y essayer. Il tient à ce détail que je n’ai pas trouvé dans ce livre : d’un côté vous avez un homme de cinéma qui depuis des années est incapable d’apprendre son texte, qui a l’esprit tellement confus, embrouillé, enivré, embrumé, qu’il faut lui montrer chacune de ses répliques inscrites sur des post-it collés sous l’objectif de la caméra, doublé d’un homme de théâtre (qui n’y « excelle » vraiment pas, non, désolé, il est loin le temps de Duras et de Régy), qui se fait souffler dialogues et mouvements dans une oreillette par une assistante qui le dirige depuis les cintres ; de l’autre, le même personnage qui, s’invitant sur des répétitions de Tous les matins du monde, regarde Daniel Auteuil enperruqué et habillé d’époque s’escrimer laborieusement à coups d’archet, et lui, en blouson de cuir et jeans, s’asseoir d’office à sa place, se saisir de la viole de gambe et improviser le rôle avec un génie et une grâce inégalés qui le désignaient dans l’instant pour être Marin Marais.
Quand tant d’autres acteurs ne se content que d’être une gueule ou un corps, Depardieu, c’est aussi et avant tout une présence et une voix, qu’il soit Cyrano ou Danton, le colonel Chabert ou Maheu le mineur, Vatel ou Vidocq. Et si l’on veut savoir ce que Millet entend par « romancier postlittéraire », expression qui revient souvent dans son essai mais de manière énigmatique, il faut en passer à nouveau par Depardieu, et pourquoi pas ! Précisément par le beau film de Xavier Giannoli Quand j’étais chanteur :
« C’est un mec qui écrit des livres en chantant les thèmes des autres et qui publie dans le vide, avec l’espoir de durer dans une langue à l’agonie ».
Vraiment, belle métaphore que celle du corps Depardieu (toutes sortes de rois peuvent avoir deux corps, et Depardieu a trouvé là son Kantorowicz). Elle n’a rien d’artificielle, jusque dans sa sauvagerie de pauvre dans sa relation à l’argent. Message reçu : misère d’une nation sans Dieu. Les jeunes Français ne sont pas plus mal traités que les jeunes européens, à l’unisson même : « regards vides, corps flottants, langue décomposée, mémoire erratique ». On ne peut que lui souhaiter de changer de contemporains, ou de retourner en exil intérieur en Limousin, mais très loin dans les terres sous peine de verser dans une déprime suicidaire. Je le dis sans ironie car ce pamphlet sombre et brillant est aussi dérangeant, c’est sa vertu, qu’il peut être parfois touchant.
La France est un fantôme ; le spectre de la transhumance hante l’Europe. Sont appelés à la rescousse le philosophe pascalien Pierre Magnard, Simone Weil, René Guénon, Bloy bien sûr, auquel on l’imagine bien s’identifier, et surtout Baudrillard. Cette déploration prend tout son relief, qui lui évite de sombrer dans l’ordinaire déclinisme, quand Richard Millet, véritablement habité par ses convictions, sincère et indépendant, jusqu’à ne pouvoir imaginer de Français autre que chrétien, trouve une voie spirituelle, une grâce même, dans son combat pour la pureté de la langue, ce qu’il appelle « la vérité de la syntaxe française », celle-ci abritant en son sein tout le génie d’un peuple et toute sa mélancolie face au désastre. Mais que cela ne nous dispense pas de voir derrière la recherche de cette pureté de la langue la quête illusoire d’une introuvable pureté de la race.
(« Sous le soleil de Satan », Mammouth », « Les Valseuses »)
PIERRE ASSOULINE
Le Corps politique de Gérard Depardieu de Richard Millet (Pierre-Guillaume de Roux, 2014)
Sur le blog de Bernard Morlino
Depardieu est un autodidacte flamboyant. Avec le temps, il a un physique d’ogre comme Orson Welles, Marlon Brando et Henri Langlois. Depuis la mort de son fils, il est l’incarnation de la phrase de Calet: “Ne me secouez pas, je suis plein de larmes".
Alain Delon dit souvent que son univers n’est plus qu’un cimetière : Melville, Visconti et Clément ne sont plus de ce monde. Gérard Depardieu pourrait dire la même chose : Truffaut, Resnais, Ferreri, Berri, Pialat et Sautet, sont aux boulevards des allongés. Y a-t-il d’autres grands talents ? Je vous laisse juge. Certain que non, lucide sur l’état du cinéma français actuel, Depardieu continue de faire fructifier son nom qui est devenu une marque. L’art ce n’est plus l’essentiel. Il a tourné quelques films qui resteront.
Richard Millet a écrit sur Depardieu pour une fois de plus combattre le monde contemporain gangréné par l’apparence, la superficialité qui rime avec médiocrité. Depardieu est la face visible de l’iceberg des acteurs. D’autres sont excellents mais on ne les connait pas, à part les passionnés de théâtre : je pense à Philippe Clévenot, hélas ! mort. Clévenot était le plus grand comédien de son temps. Voix, présence, il avait tout. Personne n’en parle. Ne vaudrait-il pas mieux écrire un livre sur Clévenot pour saluer son œuvre oubliée de tous car les comédiens ont une œuvre ? Qu’elle soit éphémère ne l’efface pas. En publiant un livre sur Depardieu, Richard Millet participe aussi au star-system même si c’est pour le condamner, le star-system s’entend. Millet ne cite que les gens dont on parle. Pour les actrices, il nomme Adjani, Deneuve, Seyrig, Riva, Moreau et Ardant. Il pourrait parler de Nada Strancar, Anne Alvaro, Dominique Valadié, Jany Gastaldi ou des disparues Denise Gence et Madeleine Marion. Belle assemblée de reines du théâtre. Il faut ouvrir ses fenêtres en grand pour voir tout le paysage. Dans cette France qui a un président de la République d’une incroyable banalité, il existe des géants remarquables. J’en connais plein. Ils sont électriciens, maçons, épiciers ou docteurs. Le peuple silencieux est du ciment armé. Il regarde les marionnettes publiques avec grande sévérité, seulement ils n’ont pas la parole.
Faisons une distinction entre comédien et acteur. Quand il travaillait avec Claude Régy, Depardieu était comédien. Depuis qu’il fait du cinéma, il est acteur. Delon se considère acteur parce qu’il vient de la vie, en bon instinctif. Belmondo, lui, issu du Conservatoire, est donc un comédien. Accordons à Depardieu, d’être un comédien formé par Jean-Laurent Cochet – absent du livre- qui est devenu acteur. Le talent de Depardieu est indiscutable, du fait de sa présence. J’estime qu’il reste comédien même quand il fait l’acteur.
Aujourd’hui, on le connait plus pour son aspect people que pour sa carrière artistique même si parfois, il fait des lecteurs haut de gamme, transformant celles de Lucchini en simple show pour « KerDruc ». (M. Drucker en verlan). Les médias parlent de Depardieu non pas pour sa lecture de saint Augustin mais pour ses unes avec Fanny Ardant ou d’autres moins talentueuses, son restaurant Place Gaillon, ses histoires de pipi dans un avion, ses « ménages » avec des gens peu recommandables, ses déclarations favorables à Sarkozy, sa descente en flammes de Juliette Binoche, ses accidents de scooter, l’occupation de l’un des appartements par les intermittents du talent (!), l’intérieur d’un autre appartement qu’il a mis en vente, les matchs d’Auxerre du temps de Guy Roux, ses enfants, la tragique destinée de son fils Guillaume, autant de cartes postales qui en font un Guignol de l’info. C’est la loi du milieu. Depuis Malraux on sait que tout ce qui n’est pas légendaire n’existe pas. On le voit partout quand on ne voit jamais Gérard Desarthe, à part sur scène ou sur la pellicule On le sait tous, nous sommes passés de NRF de Gide à C+ là où il se montrer, tout comme sur France 2, coincé chez un chauffeur de salle en attendant d’être interrogé entre un politique et un chanteur. Depuis qu’on a demandé à Michel Rocard si « sucer c’était trompé » on peut s’attendre à tout. Louis Jouvet a consacré sa vie à l’art dramatique, Il n’avait pas de temps à perdre à faire de la vinasse ! Aujourd’hui c’est la confusion des genres. Si quelqu’un sort de l’actualité, il revient en coulisses. L’ex ministre R. Bachelot est animatrice télé comme on est démonstratrice d’épluche légumes devant les grands-magasins; l’ancienne patronne du MEDEF cachetonne sur la radio, et l’ex icône de 68, Danny le Rouge devenu vert en fait autant. Imagine-t-on Che Guevara présenter un télé achat ? Les pères de famille hésite pour leur filles : HEC ou Secret Story ? En 2014, Hitler deviendrait consultant télé au moment de sa chute. 200 personnes se partagent le gâteau du PAF. C’est l’ère du cumul : tous pour moi, rien pour les autres.
Depardieu n’est dupe de rien. Il sait très bien ce qui est important ou pas. Il ne confond pas Peter Handke avec les états d’âme d’une mal baisée. Il ne faut pas confondre circus, culture et art. On voit beaucoup de gens faire le gugusse, on entend parler beaucoup de culture mais l’art est absent, sauf sur Arte qui porte très bien son nom, j’allais écrire son NON. Personne n’est obligé de regarder TF1 ou D8. Si vous regarder Arte, cela vous enrichira spirituellement. Dans le magma de tout ce que fait Depardieu, il y a des choses remarquables : par exemple coproduire les derniers films de l’immense Satyajit Ray. Richard Millet le signale mais il oublie de citer Daniel Toscan du Plantier, associé à Depardieu dans cette aventure. Il convient d’être précis et de saluer du producteur de Losey, Fellini, Bresson et Pialat, excusez du peu ! Depardieu a aussi rendu possible la diffusion des films de John Cassavetes en France. Cassavetes, autre génie du cinéma. C’est très bien signaler par Richard Millet.
Le show business règne tellement que l’on dit : « Un film DE Depardieu » au lieu de dire : un film AVEC Depardieu. C’est le résultat du culte de la personnalité. Millet le fait bien comprendre : les scénaristes n’étant plus du niveau de Prévert ou Audiard, on vend plus Depardieu que le film dans lequel il joue, et du coup il en devient l’auteur par défaut. On peut remarquer qu’à la télévision, on dit : « Le journal d’untel » et non plus « les informations du jour ». Bien sûr, Millet est un homme de goût. Bienvenu chez les Chtis ! très peu pour lui. Le livre de Millet ne fait pas l’apologie de Depardieu. Le pamphlétaire n’omet pas de signaler les « médiocres » films tournés par l’acteur. Série en cours. En France, on l’a vu, il peut difficilement œuvrer pour des lumières du 7e Art.
Qui reste-il en 2014 ? Alain Cavalier, Bertrand Blier et puis qui ? Dans le grand public de haut parage reste Rappeneau. Corneau est déjà parti. Millet n’est pas tendre avec Francis Veber, Claude Zidi et Jean-Marie Poiré. Prenons le cas de Francis Veber. C’est loin d’’être un sans talent. L’Emmerdeur ou Le Diner de Cons entretiennent la tradition de l’esprit français. L’intelligentsia tient à distance ce qui est populaire. Ils préféreront toujours Libération au Parisien. J’aime autant Fernando Pessoa qu’un débordement de Cristiano Ronaldo, pour ne pas citer un joueur mort (Garrincha) ou à la retraite (Loubet). Veber ce n’est pas n’importe quoi. On peut aimer Charles Dullin et Toto. Nina Simone et Maria Callas. On a le droit de rire autant avec un bon dialogue de Veber qu’avec l’humour de Tati basé sur l’observation. Depardieu, lui-même, passe de Duras à Obélix !
La colère de Richard Millet fait plaisir à entendre, à lire. Les pamphlétaires n’ont plus le droit d’exister. Les pamphlétaires sont toujours détestés par ceux qui ont pignon sur rue. Millet constate que l’on utilise encore le visage de Delon jeune dans les publicités de 2014. Y-a-t-il plus beau? Non ! Aujourd’hui, on ne fait plus aucune différence entre comédienne et mannequin. Delon lui est un acteur, et il le reste. Les mises au point de Millet donnent à réfléchir. Aucun pouvoir n’a réussi à le faire taire. Depardieu n’a pas eu d’Oscar à Hollywood lors de Green Card car la presse américaine a fait barrage en sortant ses frasques d’adolescence : à les écouter notre « Gégé » n’était qu’un ancien violeur en culote courte ! Refuse-t-il d’être américanisé ? Il fut en fait victime du protectionnisme américain. Manque dans le livre, la présence de Jacky Merveille qui fut à Depardieu ce que Jacques Vaché fut à André Breton. Jacky Merveille, voici un nom et un prénom plus beaux que le meilleur des pseudonymes. Jacky Merveille, Jacques Vaché deux météores qui n’ont pas eu le temps de faire carrière. Merveille encore moins que Vaché. Merveille, un James Dean inconnu. Gérard Depardieu était le meilleur ami de Jacky Merveille, son double. Depardieu doit vivre sans Dewaere, sans Merveille, sans Guillaume. Malgré sa dimension d’hommes d’affaires, Depardieu n’a pas tué sa poésie en lui. « J’ai été obligé d’acheter la maison en face de chez moi pour voir enfin où j’habite », l’ai-je entendu dire. Seul un poète peut dire cela.
BERNARD MORLINO
Le corps politique de Gérard Depardieu, de Richard Millet (Pierre Guillaume de Roux,2014)
Depardieu le corps du délit
L'écrivain Richard Millet publie "Le corps politique de Gérard Depardieu" (éd. Pierre-Guillaume de Roux), vibrant hommage à l'acteur. Extrait.
"Ce qu'est politiquement Depardieu ne m'intéresse pas plus que sa biographie officielle, laquelle, avec les années, tend à accroître, jusqu'à l'indifférenciation, la confusion entre l'être social et un corps qui s'est extraordinairement épaissi, comme ceux d'Orson Welles, de Marlon Brando ou, même, celui de Sade à l'asile de Charenton, cette confusion subvertissant le narcissisme contemporain par l'autoparodie dont Depardieu joue superbement : ceci est le corps politique de Gérard Depardieu, son corps véritable, et comme tel voué au sacrifice.
De cette biographie j'évoquerai cependant quelques faits qui donnent son épaisseur au corps politique, ou romanesque, c'est la même chose, de Depardieu : une grand-mère berrichonne qui savait la sorcellerie de ce pays d'étangs et de brumes ; un père analphabète qui, le dimanche, pour ne pas être en reste, ouvrait L'Humanité, quelquefois à l'envers ; la campagne de diabolisation dont il a été l'objet aux Etats-Unis, en 1991, à propos de viols auxquels il aurait participé, adolescent, à Châteauroux, ce qui a mis fin à sa "carrière américaine" et qui est symboliquement remarquable pour un acteur de cette dimension, et qui, comme Delon, Belmondo ou Mastroianni, a refusé de se soumettre à la loi hollywoodienne, de devenir un Charles Boyer, un Louis Jourdan - le "Frenchie" de service ; le rapport rabelaisien avec le pet : Depardieu, célèbre pour ses flatulences, impose le pet, que j'ai beaucoup entendu dans mon enfance limousine, comme une liberté hors norme, une subversion de la société, le propre d'un homme qui peut tout faire. "Tu es une idole bourgeoise et racée ; je suis un fils de paysans aux mains fortes, avec toute sa santé", écrit-il à Deneuve, en faisant de son origine la justification d'une liberté qu'il ira surtout chercher du côté de la grâce chrétienne : "La grâce, c'est un moment d'extrême liberté. C'est aussi un moment de visionnaire", dit-il dans une lettre posthume à Pialat.
Il faudrait risquer ici un éloge politique de la flatulence. Infiniment vulgaire, le pet est ce que lâche Depardieu à l'establishment : un scandale répété, le brouillon de la gifle qu'il lance à la figure de la France en étendant son champ d'action à la Russie et au monde entier. La bouche d'en bas parle avec plus d'éloquence que la vertu sociale-démocrate ou que les techniciens de surface du culturel. Seul Depardieu est capable de péter en barytonnant, comme dit Rabelais. Cela aussi est remarquable dans un monde qui ne supporte le corps qu'hygiéniquement érotisé.
Qu'il ait soutenu, en 1981, la candidature de Mitterrand à la présidence de la République ne doit pas être compris comme le soutien apporté par un fils de gens pauvres à un candidat barrésien ayant choisi la gauche par opportunisme ; c'est plutôt une manière de pet, un effet d'excitation durassienne, un jeu avec les puissants, plus sûrement quelque chose d'ironique, de décalé, une foucade, tout comme sa conversion à l'islam, ses séjours chez Fidel Castro, ses frasques politico-financières, son "exil fiscal", son acquisition de la nationalité russe. Abel Ferrara ne dit-il pas que Depardieu est un animal sauvage, irréductible à un pays ? (...).
Un de ses plus grands rôles : être devenu russe par la grâce de Vladimir Poutine, une des détestations obligées de la "scène" politique mondiale, voilà qui achève par une sorte de grand écart le décalé dont il joue depuis toujours. Masque ou marque, le décalage social, qui plus est national, est une arme politique, et la véritable place de Depardieu, dans l'insituable où triomphe sa voix, dans l'empan d'un phrasé capable de tout, et non pas du meilleur comme du pire, mais incluant le pire dans son mode d'existence."
RICHARD MILLET
"Le corps politique de Gérard Depardieu", de Richard Millet (Ed. Pierre-Guillaume de Roux, 110 p., 17,90 euros). A paraître le 25 septembre.
Depardieu vu par Richard Millet
Deux ans après la controverse dont il fut l'objet, l'écrivain et éditeur annonce la sortie de trois ouvrages, dont un qui porte sur l'acteur français devenu citoyen russe.
Le Corps politique de Gérard Depardieu: tel est le titre du prochain opus de Richard Millet, à paraître aux éditions Pierre-Guillaume de Roux le 25 septembre. L'auteur de La Voix d'altos'est penché sur ce «corps français, éructant, pétant, humant, vomissant et riant aux éclats, comme on le fait dans la province française, où le rire est devenu un viatique». Selon son éditeur, «Depardieu sait “jouer” la France, c'est pour en ouvrir les entrailles sans concession et nous forcer à regarder en face la vérité des régressions et des pertes». Dans la foulée, il publiera un essai sur le compositeur Sibelius, sous-titré Les cygnes et le silence(Gallimard) et, chez Fata Morgana, un bref récit: Sous la nuée.
THIERRY CLERMONT
Le Corps politique de Gérard Depardieu de Richard Millet (Pierre-Guillaume de Roux, 2014)
Richard Millet dans la peau de Depardieu
C'est un curieux ouvrage que publie, le 25 septembre, le sulfureux écrivain Richard Millet aux éditions Pierre-Guillaume de Roux. Sous le titre Le Corps politique de Gérard Depardieu, il y analyse l'évolution du célèbre
comédien, incarnation d'une certaine France.
JEROME DUPUIS
Richard Millet l'intempestif
Richard Millet bouscule à nouveau la vie intellectuelle léthargique et la fadeur de la littérature parisienne avec… une transfiguration de Gérard Depardieu, façon Léon Bloy. Détonnant !
Richard Millet est scandaleux, et il n’a pas décidé de cesser de l’être. À vrai dire, il n’a jamais cherché à l’être spécialement non plus. Ce malentendu, avec d’autres, participe à l’image faussée que les médias et les jalousies littéraires donnent de cet écrivain qui, accessoirement, est l’un de nos meilleurs stylistes. Millet n’a pas les réflexes que l’époque attend de lui, il n’est pas un vulgaire agitateur qui donnerait dans le spectaculaire et la provocation pour faire parler de lui. Simplement, il a décidé, au lieu de faire du tapage, de prendre très sérieusement son époque à la gorge, avec beaucoup d’énergie, et de ne plus la lâcher. Ce qui, au fond, peut se concevoir comme l’une des missions canoniques d’un écrivain ou d’un intellectuel. Hélas, pensant ouvrir des débats, quitte à irriter, il a récolté un lynchage. Alors que la question, s’agissant de la réception d’un livre, n’est pas de savoir si on adhère ou non à ses thèses, mais s’il pousse à la réflexion, s’il la provoque ; or, ce n’est que dans cette perspective que Richard Millet s’est présenté comme un provocateur. Las ! Dans le pays de la démocratie et des Droits de l’homme, le débat n’est plus possible sur aucun sujet fondamental. Millet, émigré de l’intérieur C’est du moins ce qu’aura prouvé le désormais fameux Éloge littéraire d’Anders Breivik, texte dont n’a été lu que le titre – et encore, sans l’épithète (« littéraire »…) –, ainsi que quelques citations extraites de leur contexte, donc sans l’ironie cruelle au sein de quoi elles prenaient sens. On l’ignore souvent, mais l’Eloge n’a pas reçu à l’étranger le même accueil qu’en France. Tandis que chez nous, il a conféré à Millet la réputation d’un nostalgique du IIIe Reich, ailleurs, il a surtout donné l’impression que Paris était devenue la capitale d’une nouvelle Union soviétique… Les Parisiens, qui ne regardent que leur nombril, ne s’en sont pas aperçu mais, au moment où Saint-Germain-des-Prés mettait le gêneur en quarantaine, des universitaires américains l’invitaient à débattre, des critiques tunisiens, libanais ou québécois, s’essayaient à l’exégèse, et des journaux colombiens, italiens ou allemands s’étonnaient de l’état du débat public en France. Avec Le Corps politique de Gérard Depardieu qu’il publie aujourd’hui, Millet prouve qu’il assume son nouveau statut d’émigré de l’intérieur, et continue avec une féroce ténacité sa réflexion sur le déclin de la France, cet ancien « État-Nation littéraire » où désormais l’État est amorphe, la nation décomposée et la littérature exclue. Ce déclin, il le raconte avec des accents et des moyens qui font songer à Léon Bloy, génial intempestif cité en exergue ; et, à la manière du « mendiant ingrat », il procède en hissant une figure jusqu’à des dimensions métaphysiques, la figure d’un autre génial intempestif : Gérard Depardieu. Corps rabelaisien C’est ainsi que le corps rabelaisien de Depardieu devient le corps du sacrifice, où le génie français est immolé dans l’hygiénisme physique et mental du « culturel » contemporain. A partir de la filmographie de l’acteur, Millet diagnostique tous les symptômes du déclin français, comment il est dit ou comment il se maquille, Depardieu donnant comme acteur son corps à la comédie et, presque à la manière d’un intercesseur, donnant aussi son corps à tout un pays en faillite. « Chacun peut se reconnaître dans ce corps aujourd’hui monstrueux, nourri de tous nos excès et de nos désillusions ; mais cette reconnaissance est non dialectique ; la gloire cinématographique, plus que la gloire littéraire, suppose une dimension sacrificielle, et celle de Depardieu, par son omniprésence, réalise l’identification négative de tout un peuple : il est le grand miroir de notre déchéance, de notre absence au monde et à nous-mêmes. » Des Valseuses à Welcome to New-York en passant par Tenue de Soirée, Sous le Soleil de Satan, Mammuth, Cyrano ou Astérix, Depardieu aura tout incarné du récent destin français. Et Millet de relier ces films dans un vaste champ où chacun fait signe : Les Valseuses où se mêlent la légèreté et la gueule de bois de 68, Tenue de soirée où se lit la fin de tout (de l’amour, du couple ou de l’espérance…), jusqu’au gigantesque succès populaire de Cyrano, que Millet interprète comme la marque de la muséification culturelle française – le pays, au tournant des années 1990, se dissimulant sa déchéance en s’abritant sous le stuc parodique de son passé. La voix de Depardieu Dans ce dévalement, pourtant, la voix de Depardieu, sa puissance, sa tessiture émotionnelle, continuent d’exprimer une présence française, et une présence liée au littéraire. L’une des dernières voix, remarque Millet, à exprimer la nature de l’amour masculin hors des écueils de l’hygiénisme sexuel et du pur sentimentalisme. C’est ainsi que l’auteur de Ma Vie parmi les ombres propose, à partir d’un thème apparemment secondaire ou anecdotique, un véritable morceau de bravoure littéraire, rejoignant de sa voix, sur son plan, les qualités qu’il prête à celle de son sujet : une voix pleine d’ampleur, de vitalité, de coffre, de défi ; une voix qui résonne dans tout l’espace des questions fondamentales, allant jusqu’à oser revendiquer – scandale suprême – le « surnaturel chrétien »… Bref, Millet n’a pas l’intention de se réconcilier avec ses ennemis. Mais il a avec lui Saint Augustin, Bloy, Pialat. Il reste dans l’ostracisme. Depardieu est russe. On peut s’en désoler ou, au contraire, préférer s’émouvoir avec des acteurs de l’acabit de Romain Duris, et lire une énième confession névrotique en tentant de se préserver de tout ce qui est trop fort, trop violent, trop dur – trop véritablement « dérangeant ».
ROMARIC SANGARS
Le Corps politique de Gérard Depardieu, de Richard Millet (Pierre-Guillaume de Roux, 2014).
Richard Millet publie également ces jours-ci Sibelius, les cygnes et le silence (Gallimard) et un envoûtant récit, Sous la nuée (Fata Morgana).