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En librairie le 17 Novembre 2011
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ISBN:
2-36371-018-5
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Format:
14.5 x 22.5
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Page:
313p.
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Prix:
25 €
Benoît XVI
Un pontificat sous les attaques
Paolo Rodari et Andrea Tornielli
« Les attaques contre le pape et contre l’Église ne viennent pas de l’extérieur seulement, mais de l’intérieur, du péché qui existe en elle. »
Quand Benoît XVI se livre à cette confidence, le 11 mai 2010, il ne dénonce pas seulement le fléau des scandales pédophiles qui ont terni la réputation d’une partie du clergé. C’est aussi le spectre d’une division profonde au sein de l’Église elle-même qu’il pointe du doigt. La levée de boucliers qu’a suscitée, au cours de l’été 2007, le Motu proprio Summorum Pontificum, destiné à réhabiliter la messe en latin, l’a suffisamment démontré. Les erreurs de communication n’expliquent pas tout. Un entourage qui le conseille mal ou, parfois, fait barrage à sa politique ; des églises locales qui relaient peu ses initiatives ou les combattent plus ou moins ouvertement ; des médias qui le caricaturent à loisir en doctrinaire réactionnaire, et qui font feu de tout bois (discours de Ratisbonne, déclarations sur le préservatif en Afrique, propos révisionnistes de Mgr Williamson) pour le discréditer : existe-t-il un ou plusieurs complots contre Benoît XVI ? Qui a intérêt à le faire trébucher, à saboter son pontificat et pourquoi ?
Une enquête passionnante depuis les coulisses du Vatican, par deux éminents correspondants auprès du Saint-Siège, avec des documents et des témoignages inédits. Diffusion CDE/SODIS.
Le Figaro magazine
Le pape a l'intention de guérir schismes et divisions
Famille chrétienne
Entretien avec Andrea Tornielli et Paolo Rodari
L'homme nouveau
L'enquête passionnante d'Andrea Tornielli et Paolo Rodari
Riposte catholique
Un pontificat sous les attaques
Le pape a l'intention de guérir schismes et divisions
En avril 2012, Benoît XVI aura accompli les sept premières années de son règne sur le trône de Saint-Pierre, sous le feu des critiques politico-
médiatiques. « Un pontificat sous les attaques », diagnostique le vaticaniste Andréa Tornielli, en citant le Saint-Père : « Les attaques
contre le pape et contre l'Egiïse reviennent pas seulement de l'extérieur, mais de l'intérieur, du péché qui existe en elle. » Benoît XVI ne dénonçait pas seulement les scandales pédophiles, mais aussi tout ce qui s'oppose, an sein de l'Eglise, à son grand dessein de réconciliation. Pour les lecteurs du « Figaro Magazine », Andréa Tornielli fait le point.
Comment caractérisez-vous Benoît XVI et son pontificat ?
Je crois que Benoît XVI est un pape humble, qui s’efforce de rappeler aux chrétiens l’essentiel de la foi en la présentant comme une rencontre avec la beauté. C’est donc un pape qui souhaite parler de Dieu même aux non-croyants et dialoguer avec ceux qui Le cherchent. J’ai été très frappé par ses propos de septembre dernier en Allemagne, lorsqu’il affirmait que certains agnostiques sont plus proches de Dieu que bien des catholiques "de routine". Son pontificat est entièrement voué à l’évangélisation, prêchant la conversion, même au cœur de l’Église.
Partagez-vous l’avis de ceux qui affirment que les pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI sont sur une même voie historique ? En quoi les deux pontifes sont-ils différents ?
N’oublions pas que Joseph Ratzinger a été à la Curie romaine le plus ancien des collaborateurs de Jean-Paul II. Et que celui-ci a refusé au moins trois fois de lui accorder la retraite qu’il sollicitait. On doit à leur étroite collaboration d’importants documents, comme par exemple le Catéchisme de l’Église catholique. Certes, ils diffèrent par leur origine, leur formation et leur tempérament. Mais au-delà des questions de caractère, les éléments de continuité l’emportent indubitablement. Benoît XVI a voulu poursuivre l’expérience des Journées mondiales de la Jeunesse et celle des voyages internationaux, et jusqu’à la rencontre inter-religieuse d’Assise. Un aspect les distingue cependant : Jean-Paul II – devenu pape alors que l’Europe et le monde étaient encore scindés en deux blocs – s’est avéré un acteur géopolitique de premier plan, alors que son successeur estime prioritaire la proclamation de la Bonne Nouvelle dans les pays d’évangélisation traditionnelle, et se préoccupe beaucoup moins de la politique internationale.
Expliquez-nous par des exemples l’hostilité extérieure à son égard et aussi celle qui existe à l’intérieur de l’Église. Benoît XVI a-t-il des ennemis, existe-t-il une conjuration des médias ?
Prenons un exemple frappant de l’hostilité extérieure : la polémique à propos du préservatif qui a suivi ses déclarations alors qu’il s’envolait vers le Cameroun, en mars 2009. Des responsables politiques et des parlementaires européens l’ont attaqué puis critiqué. Or le pape avait simplement rappelé une réalité scientifique bien établie, à savoir que la distribution massive de moyens financiers et de préservatifs ne réglait pas le problème. Les seuls exemples de réduction de l’incidence du sida découlent de programmes éducatifs plaçant au premier plan la fidélité conjugale et le rejet des rapports sexuels précoces. L’utilisation du condom par les groupes à risques dus à la prostitution et à la drogue ne vient qu’en troisième position. Un exemple d’hostilité interne peut être constaté dans les réactions et les actes de désobéissance au Motu proprio de 2007 (décision pontificale de libéralisation de la messe traditionnelle). Le problème ne provient pas d’un désaccord, mais d’une critique pernicieuse de la part d’hommes d’Église qui ne prennent même pas la peine de déterminer les raisons profondes qui ont motivé le pape. Je ne crois pas que Benoît XVI soit victime d’une conjuration des médias. Mais plutôt de leur ignorance croissante des réalités de l’Église ainsi que de la formation insuffisante des journalistes.
Benoît XVI est-il un pape rétrograde ? Quelle injustice à son égard souhaiteriez-vous corriger ?
Benoît XVI n’est aucunement un pape rétrograde. Jeune théologien au Concile, il ne souhaite pas du tout faire marche arrière et n’a aucune nostalgie du passé. Il rappelle l’Église à ce qui est essentiel. Il a des positions très intéressantes à propos de la mondialisation, de la sauvegarde de l’environnement ou de la nécessité pour l’Église d’être plus humble, moins attachée aux structures et davantage aux personnes, moins centrée sur elle-même… Le problème, à mon avis, est que ceux qui le secondent ne font pas toujours passer ce message. En écoutant ou en relisant une homélie écrite de sa main on se rend compte de cette différence. Je voudrais corriger l’impression d’un pontife défenseur obstiné de l’orthodoxie et incapable de dialoguer. La réalité est tout autre. Benoît XVI, je le répète, est un homme humble, qui ne cesse d’inviter l’Église à ne pas céder au nombrilisme, mais à tourner son regard vers le Christ. Je crois que le voyage à travers la France, de Paris à Lourdes, au cours du mois de septembre 2008, en a été la démonstration : quand les gens entrent en contact avec lui et ne se contentent pas de le considérer à travers le verre déformant que leur tendent les médias, ils réalisent qu’ils ont affaire à un pape bien différent de celui qu’on leur présentait.
Que faut-il retenir exactement de l’affaire de Ratisbonne ?
Le pape lui-même reconnaît dans le livre-interview "La Lumière du monde" de Peter Seewald (Bayard, 2010) n’avoir pas considéré les effets "politiques" de ce discours. Il faut retenir que la citation sévère de Manuel II Paléologue au sujet de Mahomet n’exprimait pas sa propre pensée. Mais il faut aussi être conscient du fait que ses collaborateurs auraient dû insister davantage pour que cette nuance ressortît plus clairement dans le texte. Malheureusement, ses propos ont été instrumentalisés par les fondamentalistes.
Benoît XVI est-il maladroit ou bien ce type de communication fait-elle partie de sa stratégie ?
Je ne pense pas du tout que Benoît XVI soit maladroit, et je ne crois pas non plus que cette citation ait été placée dans le discours de Ratisbonne afin de provoquer le monde islamique. S’il en avait été ainsi, le pape n’aurait pas répété une quinzaine de fois au cours des journées qui ont suivi que la citation ne reflétait pas sa pensée. Indubitablement, je crois que le pape sait communiquer, et on s’en rend compte en particulier dès qu’il improvise, mais il aurait dû être davantage aidé par son entourage, à certains moments, au début de son pontificat.
Le Motu proprio de la réconciliation avec les adeptes de Mgr Lefebvre et le retour à la messe en latin sont-ils une trahison du concile Vatican II ? Jean-Paul II l’aurait-il fait ? Est-ce que l’affaire du prélat négationniste Williamson est le résultat d’une manipulation ?
Jean-Paul II a accordé une première dérogation pour célébrer la messe à l’ancienne et ne considérait pas cela comme une trahison du concile. Je pense que le Motu proprio n’était pas tellement destiné aux adeptes de Mgr Lefebvre mais plutôt aux fidèles traditionnalistes en pleine communion avec l’Église de Rome, à qui les évêques refusaient trop fréquemment la célébration de la messe à l’ancienne en dépit de l’ouverture de Jean-Paul II. Cette pratique de tous les catholiques de rite romain depuis des siècles ne saurait être ressentie comme une trahison du concile, puisque c’est cette messe-là que les pères ont célébrée à l’ouverture de chacune de leurs sessions… Il convient par ailleurs de rappeler que c’est Jean-Paul II lui-même qui a entamé le dialogue avec les lefébristes en 2000. Quant à l’affaire Williamson, elle a été provoquée par un défaut de coordination et des erreurs du Vatican. L’interview était connue et sa diffusion annoncée quelques jours avant la publication de la levée de l’excommunication. On a cependant sous-évalué le caractère explosif des affirmations de l’évêque lefebvriste. D’autre part, dans l’Église mais aussi en dehors, il y a ceux qui ont soufflé sur le feu, pour tenter de présenter Benoît XVI comme quelqu’un qui voulait réintroduire des "antisémites" au sein de l’Église catholique. Certes la responsabilité des collaborateurs du pape reste entière, car ils auraient dû agir et n’en ont rien fait.
Peut-on parler d’insuffisance et d’absence de stratégie de la Curie romaine ? Donnez-nous des exemples, s’il vous plaît.
C’est indéniable, à mon avis, et j’estime que le livre présente une documentation convaincante là-dessus. Dans l’affaire Williamson, il aurait fallu soit retarder la publication de la levée de l’excommunication, en demandant à l’intéressé d’éclaircir au préalable ses positions, soit organiser une présentation exhaustive destinée à la presse, cautionnée par la présence d’un cardinal emblématique qui aurait coupé court aux polémiques en expliquant la signification et les motifs de la levée de l’excommunication et en prononçant une condamnation sans ambiguïté de Williamson. En ce qui concerne l’affaire du préservatif en 2000, il aurait fallu fournir d’emblée des données et une interprétation de la parole du pape en fonction des résultats positifs obtenus dans la lutte contre le sida au moyen de programmes éducatifs dont il a été question précédemment. Quant aux scandales de la pédophilie, ils réclamaient une diffusion plus rapide des informations ainsi que des bonnes traductions de certains communiqués, Mais je livre ici des considérations très personnelles…
Que faut-il penser de la réponse de Benoît XVI au sujet de l’usage du préservatif ? Quelle est la pensée du pape à ce propos ?
Le pape a dit en 2009, que la lutte contre le sida ne passe pas seulement par la distribution de préservatifs, mais qu’elle présuppose toute une éducation. Dans le livre-interview de 2010, cité précédemment, Benoit XVI affirmé qu’un prostitué qui, se sachant contaminé par le sida, utilise un préservatif, indique peut-être aussi par là qu’il prend conscience de la nécessité de protéger la vie de ses partenaires occasionnels.
Quelle est l’attitude de Benoît XVI à l’égard de la pédophilie dans l’Église en vue de faire triompher la justice ? Comparez l’attitude de Benoît XVI et de Jean-Paul II.
Benoît XVI, d’abord comme cardinal aux côtés de Jean-Paul II, et ensuite en tant que pape, a résolument combattu le phénomène. Depuis dix ans, l’Église a alourdi les peines et s’est dotée d’instruments juridiques qui lui permettent de poursuivre plus efficacement ces crimes abominables. Le pape actuel a fait beaucoup plus : il a veillé à ce que les victimes des abus ne soient pas considérées comme hostiles au renom de l’Église et pour cette raison souvent ostracisées, ce qui s’est, hélas, longtemps pratiqué. Il a montré par son exemple qu’évêques et prêtres se doivent de demeurer proches des victimes et de leurs familles pour les conforter et les soutenir. Il a aussi invité les évêques à assumer leurs responsabilités en affrontant le phénomène par des mesures pratiques et efficaces, sans estimer que de tels actes peuvent être réglés par la dissimulation des faits. Ce tournant avait déjà été opéré par Jean-Paul II. Mais le pontife provenait d’un pays communiste, où l’Église, placée sous le contrôle du régime, était la cible d’accusations de nature essentiellement sexuelles, souvent fabriquées de toutes pièces et donc difficiles à vérifier. Ce qui a certainement influencé Jean-Paul II, confronté à des choix qu’il ne lui était pas facile de faire. Je pense aussi que c’est la raison pour laquelle Jean-Paul II n’a pas cru aux accusations lancées contre Marcial Maciel, le fondateur des légionnaires du Christ.
Que pensez-vous de l’affaire Benetton ? N’aurait-il pas été préférable d’imaginer – tout au plus – un boycottage de cette firme ?
C’est un dilemme : réagir publiquement finit toujours par avoir un effet contraire à celui qui est escompté en aboutissant à un surcroît de publicité pour les provocateurs. Or, dans ce cas, je dois dire que la provocation était de taille: le baiser entre le pape et l’imam était une image différente de toutes celles qui impliquaient des chefs d’État. Le baiser était passionné ! L’image était postée sur le pont du Château Saint-Ange, face au Vatican… Mais le plus hypocrite a été la réponse de Benetton : « Je n’ai jamais imaginé provoquer une telle réaction ! » C’est grotesque. Il savait parfaitement, il a cherché et obtenu cette tempête médiatique. Je ne crois pas aux boycottages, surtout si c’est l’Église qui les lance. Et le résultat risque d’être à effet contraire. Mais je crois aux boycottages quand ils partent d’un bouche-à-oreille généralisé. De toute manière, il y a des normes – italiennes et internationales – qui réglementent l’usage des images à des fins publicitaires. D’après moi, le Saint-Siège ferait bien d’en exiger le respect en réclamant des dommages-intérêts à Benetton : cet argent-là pourrait servir à fonder une léproserie en Afrique.
Comment le Saint-Père prend-il la réaction catholique face à des créations scéniques blasphématoires comme Pisse-Christ ou Golgotha-picnic, qui font beaucoup de bruit en France ?
Je ne sais pas. Mais je suppose qu’il en est profondément attristé. Le christianisme est la seule religion que peuvent viser des attaques blasphématoires sans bornes. Parce que qu’on sait très bien que les chrétiens ne réagissent pas. Et certains spectacles bénéficient de la notoriété non pas en raison de leur valeur, mais simplement grâce à leur capital de provocation.
Où en est la cause en béatification de Pie XII ? Et celle de Jean-Paul II ?
La cause en béatification de Pie XII est conclue, le caractère héroïque de ses vertus a été proclamé par le pape en décembre 2009. Ce qui manque encore pour la béatification est la reconnaissance d’un miracle advenu grâce à l’intercession d’Eugenio Pacelli. Un cas intéressant est à l’étude. Jean-Paul II, en revanche, a été béatifié. Pour la canonisation il suffit que la Congrégation pour la cause des saints reconnaisse un nouveau miracle, advenu depuis sa béatification, du 1er mai 2011.
Quelle trace Benoît XVI laissera-t-il dans l’histoire ?
Il est difficile de le dire avant que le rideau ne soit tombé sur son pontificat. Jusqu’à maintenant, la décision la plus importante, destinée à perdurer, est celle de la création d’un dicastère du Vatican consacré à la nouvelle évangélisation. C’est un projet qui en dit long sur les priorités de Benoît XVI. Il y a aussi l’intention de guérir schismes et divisions, en dialoguant avec la Fraternité Saint-Pie X et en instituant des ordinariats anglo-catholiques à l’intention des anglicans qui, en désaccord avec les choix "libéraux" de leur hiérarchie, souhaitent entrer dans la communion catholique.
PROPOS RECUEILLIS PAR PATRICE DE MIÉRITENS
Entretien avec Andrea Tornielli et Paolo Rodari
De Ratisbonne à l’affaire du préservatif, du scandale de la pédophilie au cas Williamson, deux vaticanistes italiens, Paolo Rodari et Andrea Tornielli, dissèquent les attaques récentes contre Benoît XVI. Entretien.
Ces attaques sont-elles vraiment une caractéristique du pontificat de Benoît XVI?
Ce qui impressionne le plus concernant ce pontificat, c’est la série des attaques très rapprochées en 2009 et 2010, et la succession de «crises» médiatiques qui ont suivi, amplifiées par l’administration parfois hésitante de la Curie romaine. C’est la grande différence, pour ce qui concerne le pape actuel : ces attaques se sont transformées en crises, car les rouages de la « machine» et du gouvernement curial n’ont pas toujours fonctionné correctement.
A-t-on d’autres exemples dans l’histoire d’un pape aussi attaqué?
Ce fut aussi le cas avec Jean-Paul II, surtout dans la première partie de son pontificat, car il était considéré comme conservateur sur la morale sexuelle. Il a également été critiqué pour ce qu’on a défini comme la « Sainte alliance» avec les États-Unis, de par son anticommunisme. Paul VI le fut lui aussi, au temps de l’encyclique Humanae vitae, avec des attaques plus dures encore que celles contre ses deux successeurs. Pour remonter encore plus dans le passé, Pie IX a été violemment pris à partie pour avoir défendu les États pontificaux: on a tenté de jeter son corps dans le Tibre!
S’agit-il d’un complot, d’une machination? Et de la part de qui?
Dans le livre, nous n’utilisons pas le terme de complot, car nous ne croyons pas que le pape soit attaqué par une tête pensante à l’échelle internationale. Ceux qui ont intérêt à déstabiliser Benoît XVI, et plus généralement l’Église catholique, sont tous ceux qui se sentent remis en question par les positions exprimées par l’Église sur plusieurs sujets: de l’éthique sexuelle à la globalisation, de la sauvegarde de l’environnement à l’approche unilatérale des crises internationales.
Ces attaques viennent aussi de l’interne. Est-ce une illustration de la difficulté à réformer l’Église?
Oui, il y a des dissensions internes: c’est ce que, dans le livre, nous avons appelé le «deuxième cercle» , et qui produit une sorte de «désaccord corrosif» au plus haut niveau. Le vrai problème est ainsi que la curie romaine démontre à notre avis un évident déficit de gouvernement. L’Église aurait sûrement besoin d’être réformée: on y voudrait plus de foi, d’obéissance, de communion et d’unité. Et surtout, qu’on y soit moins « carriériste», ce qui est le vrai cancer.
Au fond, que reproche-t-on à Benoît XVI?
Les progressistes reprochent au pape d’avoir libéralisé la messe traditionnelle, et d’avoir ouvert un dialogue avec les lefebvristes. À l’inverse, certains «ratzingeriens» reprochent au pape de ne pas avoir eu suffisamment une «main de fer» avec les contestations. Sur le plan théologique, la réforme engagée par Benoît XVI concerne l’essentialisme de la foi. C’est-à-dire que son pontificat est un appel à revenir à l’essentiel, aux racines, au coeur de la foi chrétienne, à la suprématie de Dieu et donc au culte divin. En touchant au coeur, il provoque forcément des réactions à la hauteur de l’enjeu…
Vous consacrez un chapitre à la piété mariale de Benoît XVI, notamment celle qui s’est exprimée à Fatima. Comment cela éclaire-t-il votre propos?
Nous avons été impressionnés de constater en effet que, pendant son voyage au Portugal en mai 2010, le pape a mis en relation le troisième secret de Fatima [qui prophétise une grave crise de l’Église, Ndlr], avec la crise des abus sexuels de prêtres sur des mineurs. C’est un problème extrêmement grave que Benoît XVI a combattu avec toutes ses forces, comme cardinal puis comme pape. À Fatima, il a consacré tous les prêtres du monde au Coeur immaculé de Marie, afin de mieux les aider à lutter contre le mal, y compris à l’intérieur de l’Église.
On dit que le diable porte pierre. Quel aura été l’effet bénéfique de ces attaques ?
On peut déjà faire le constat que l’Église et le Vatican ne sont pas de simples institutions humaines. Sinon, elles auraient déjà été renversées. Comme l’a dit une fois le cardinal Ercole Consalvi, secrétaire d’État de Pie VII, à un ambassadeur qui lui affirmait que Napoléon voulait détruire l’Église il répondait ainsi : «Il ne réussira pas, nous non plus n’avons pas réussi…»
Propos recueillis par AYMERIC POURBAIX
Revenir à l'essentiel : la foi
Avant de fantasmer sur un hypothétique complot, interne ou externe, il faut s’en référer aux faits. C’est tout le mérite de cet ouvrage, produit de l’enquête minutieuse des deux vaticanistes chevronnés qui sont allés à la source, donnant la parole aux acteurs et aux observateurs les plus avertis. Il est vrai que durant les six premières années de son pontificat, Benoît XVI n’a pas été ménagé: polémiques mondiales (Ratisbonne, préservatif), scandales concernant des clercs (pédophilie, Légionnaires du Christ, Williamson), sans compter la levée de boucliers provoquée par le motu proprio sur la liturgie et l’accueil des anglicans au sein de l’Église… En conclusion, pas de complot sans doute, mais peut-être un inspirateur unique, le Diviseur. Voilà sans doute pourquoi Benoît XVI a fait le choix de porter ses efforts sur l’essentiel : la foi.
AYMERIC POURBAIX
Benoît XVI – Un pontificat sous les attaques, document d’Andrea Tornielli et de Paolo Rodari, traduit de l’italien par Raymond Voyat (Pierre-Guillaume de Roux, 2011)
L'enquête passionnante d'Andrea Tornielli et Paolo Rodari
Paolo Rodari et Andrea Tornielli, correspondants auprès du Saint-Siège, se sont lancés dans une enquête passionnante depuis les coulisses du Vatican. Les cinq premières années du pontificat de Benoît XVI sont décryptées à raide de documents et de témoignages inédits. Présentation par les auteurs.
Vous consacrez un livre aux oppositions à Benoît XVI comme s'il y avait une singularité dans ces attaques. Mais Jean-Paul ll aussi avait été attaqué. Qu'est-ce qui diffère d'un pape a l'autre ?
Oui, Jean-Paul II a aussi été attaqué, mais rappelez-vous que Paul VI le fut également à l'époque d’Humanae Vitae avec des attaques mêmes plus dures que celles auxquelles furent soumis ses deux successeurs. Ce qui impressionne le plus dans le cas de Benoît XVI, c'est la succession des attaques et des « crises » médiatiques. Si bien que pour le Pape actuel, les attaques se sont transformées en crises car la machine du gouvernement de la Curie n'a pas toujours fonctionné suffisamment bien.
La réputation du cardinal Ratzinger ne l'a-t-elle pas précédé et n'explique-t-elle pas en grande partie les reproches faits au Pape Benoît XVI ?
Non, même si à propos de Ratzinger il y avait un préjudice médiatique négatif, créé par un cliché qui lui avait été imposé lors de ses années passées à la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la foi Le cardinal Ratzingger était présenté comme un « Panzerkardinal » comme le conservateur qui bridait les ouvertures de Jean Paul II. Ce qui n'est pas vrai et ne l'a jamais été. Ratzingger et Wojtyla ont toujours travaillé ensemble ct en harmonie. Des documents comme Dominiu lesus - concernant l'unicité du salut par Jésus- étaient voulus par le pape lui-même, et pas seulement par le cardinal Ratzinger. Ce préjudice négatif ne suffit donc pas à expliquer toutes les attaques et les crises actuelles.
Vous concluez sur l'existence de trois cercles concentriques. De quoi s'agit-il ?
Il existe certainement un cercle extérieur constitué de groupes, lobbies internationaux et parfois même de certains gouvernements qui attaquent l'Eglise et le pape sur n’importe quel sujet : il y a les attaques contre les positions de l'Eglise à propos de la morale sexuelle mais aussi des attaques suscitées par la position de l'Eglise envers les plus faibles, comme le droit de tous à accéder aux ressources naturelles ou les positions du Saint-Siège pendant les crises internationales. Ces attaques-là, même si elles sont inacceptables, doivent être prises en compte. Le deuxième cercle concerne un désaccord intérieur qui parfois devient corrosif, comme dans le cas de motu proprio Summorum Pontificum. Théologiens, évêques et cardinaux avec plus ou moins de respect - ont pris leur distance avec le Pape. Benoît XVI en a parlé dans sa lettre envoyée à tous les évêques du monde après l'affaire Williamson. Le troisième cercle est celui des attaques dues aux erreurs des collaborateurs du Vatican qui, involontairement, avec leurs réponses inadaptées aggravent les crises au lieu de les éteindre Dans ce sens-là, l'affaire Williamson est exemplaire, mais dans le livre nous évoquons beaucoup d'autres exemples.
Comme journalistes, quel est le fait qui vous a le plus marqué dans l'ensemble de ces attaques ? Et comment envisagez-vous la suite du pontificat ?
Ce qui nous a marqué et surpris le plus est que le Pape soit attaqué et présenté comme quelqu'un qui veut couvrir et défendre les pédophiles, alors que tandis qu’il était cardinal, il a fait beaucoup pour combattre le phénomène de la pédophilie parmi les hommes de l'Eglise - en créant avec Jean Paul II des règles plus dures. C'est un véritable et éclatant cas de distorsion et d'altération complète dc la réalité. II n'est pas simple d'imaginer le futur du pontificat : tous les cas évoqués dans le livre ont sûrement servi d'enseignement à l'entourage du Pape. Cet entourage doit faire plus attention en considérant aussi que le panorama des medias dans le monde est rarement indulgent avec l'Eglise et dans la plupart des cas ne connait pas ses mécanismes de fonctionnement. On ne doit pas avoir trop d'illusions de toute façon : si le message du pape était toujours et partout acclamé et applaudi, il y aurait quelque chose qui ne va pas…
Propos recueillis par PHILIPPE MAXENCE
Benoît XVI - Un pontificat sous les attaques, document d'Andrea Tornielli et Paolo Rodari, traduit de l'italien par Raymond Voyat
(Pierre-Guillaume de Roux, 2011)
Un pontificat sous les attaques
Ils sont deux journalistes. Précisons : deux vaticanistes, cette race de journalistes vraiment à part, qui scrute et qui suit les faits et gestes du pape et de son entourage. Mieux : qui tente de les interpréter. Forcément, ils sont Italiens, on ne fait pas mieux en la matière. Évidemment, ils sont blogueurs. Paolo Rodari et Andrea Tornielli ont publié l’an dernier chez Piemme, un des principaux éditeurs d’Italie (qui n’en manque pas, par ailleurs, contrairement à la France, réduite à quelques maisons) un livre d’enquête sous le titre : Attacco a Ratzinger. Accuse e scandali, profezie e complotti contro Benedetto XVI. La version française de ce livre sort dans deux jours aux éditions Pierre-Guillaume de Roux, l’un des meilleurs éditeurs de la place de Paris, autrefois aux Syrtes ou au Rocher, aujourd’hui bien installé chez lui, « Pierre-Guillaume de Roux éditeur ».
Le titre français, bien sûr, nous parle davantage que l’original italien. Dans sa brièveté, il est clair et percutant : Benoît XVI, un pontificat sous les attaques. À part quelques minimes erreurs, la traduction de Raymond Voyat est parfaite. Lisible et claire, elle aussi.
Depuis leurs postes d’observation, les auteurs étaient bien placés pour sentir et analyser les attaques contre Benoît XVI, en remarquant d’ailleurs que dès le départ certains parmi la curie ne prédisaient pas une longue durée au pontificat du pape Ratzinger. Six ans après, il est toujours là. Souriant, (presque) à l’aise avec la foule. En tous les cas, il est entré dans son rôle de pape, même si parfois l’autorité romaine n’est pas très visible. Un fait est certain : on ne lui a pas pardonné d’avoir accepté le suprême pontificat.
À ce sujet, les auteurs relèvent un peu plus de dix cas qui montrent les attaques dirigées contre Benoît XVI. De Ratisbonne à l’affaire du préservatif, du scandale de la pédophilie à l’affaire Williamson, en passant par Summorum Pontificum ou les nominations d’évêques à Varsovie (Pologne) ou à Linz (Autriche), sans oublier le cas Maciel ou les remous autour de l’intégration d’Anglicans, les faits sont nombreux, circonscrits, étudiés et analysés.
Au bout du compte, on ressort avec une synthèse intéressante sur des faits que la mémoire finit par évacuer. Reliés ensemble, ils prennent une certaine épaisseur. Une certaine cohérence en ressort.
Globalement, les auteurs sont restés au plan journalistique : des faits, encore des faits, une analyse, mais ils ne dévoilent pas vraiment les responsables de ces attaques. Pas de noms, surtout. Seulement trois cercles concentriques : les médias et les pouvoirs qui ont intérêt à discréditer l’Église, une partie de l’entourage incompétent, les adversaires de l’intérieur.
En fait, respectueusement, délicatement même, les auteurs laissent entendre tout au long du livre qu’une grande partie des problèmes auxquels fut confronté Benoît XVI tient à un manque de gouvernance au sommet et à l’incapacité d’une partie de la curie, qui ne seconde pas correctement le Pape ou s’oppose à lui. C’est clair : nos deux vaticanistes en savent davantage qu’ils ne le disent dans ce livre. Mais déjà celui-ci dévoile un climat et indique les difficultés internes dans lesquelles se débat l’Église. À ce titre, il mérite vraiment d’être lu.
VICTOR SCRIBE
Benoît XVI - Un pontificat sous les attaques, document de Paolo Rodari et Andrea Tornielli - traduit de l'italien par Raymond Voyat
(Pierre-Guillaume de Roux, 2011)